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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE, HECTOR BERLIOZ

Entreprise à l'occasion du centenaire de sa mort (survenue le 8 mars 1869), l'édition monumentale de la correspondance générale d'Hector Berlioz, établie sous la direction de Pierre Citron et publiée à partir de 1972 par Flammarion, à Paris, s'est achevée avec un huitième volume qui est paru un an avant le bicentenaire de sa naissance (le 11 décembre 1803). L'ensemble se compose de : Volume I : 1803-1832, 1972 ; Volume II : 1832-1842, 1975 ; Volume III : 1842-1850, 1978 ; Volume IV : 1851-1855, 1983 ; Volume V : 1855-1859, 1989 ; Volume VI : 1859-1863, 1995 ; Volume VII : 1864-1869, 2001 ; il a été complété en 2002 par un Volume VIII : Suppléments. Durant cet intervalle d'une trentaine d'années, la connaissance de l'œuvre et de la personnalité de Berlioz aura fait un bond immense.

Dans la masse considérable de ses écrits, seuls, avant le centenaire, étaient vraiment accessibles ses Mémoires posthumes, conçus dès 1848, imprimés en 1864, à ses frais, et parus en 1870. Or on pourrait dire que le métier de Berlioz était plus strictement d'écrire que de composer, en ce sens que sa collaboration, à partir de 1835, au puissant Journal des débats était sa source régulière de revenus, alors que ses concerts étaient toujours aventureux, et parfois ruineux, comme le fut, en 1846, la création de La Damnation de Faust : l'échec marqua pour le compositeur la fin de cette fulgurante coïncidence entre son élan créateur et le Paris de son temps, qui s'était affirmée avec le coup d'éclat, en 1830, de la Symphonie fantastique. Ce qui se terminait là, c'était en fait l'époque romantique française. Berlioz ne fut guère clairvoyant sur son propre avenir d'artiste lorsqu'il salua avec enthousiasme l'avènement de Louis Napoléon Bonaparte.

Mais en toute chose Berlioz n'a jamais voulu voir que sa propre vision : c'était sa faiblesse d'homme intègre, et sa puissance de créateur convaincu, telle qu'il l'a très jeune reconnue en lui-même, revendiquée et cultivée, comme un a priori. Cet admirable don de clarté – où se conjuguent nature et conscience, volonté et sentiment, où la richesse de la pensée surgit de l'exactitude de la formulation – fait de lui un styliste classique de la langue française. « Je ne dirai que ce qu'il me plaira de dire », déclare-t-il en Préface des Mémoires. Cet aveu provocant annonce cependant un souci, non pas de se dissimuler, mais au contraire de se révéler. Car Berlioz ne se sent exister que dans ce qu'il lui plaît de vivre, quand enfin sa passion explose. Il peut alors se regarder prendre feu, ainsi qu'il l'a voulu. Mais il regarde aussi ses brûlantes adhésions s'assortir de froids rejets, sa foi enthousiaste alterner avec des abattements nihilistes, sans guère passer par le doute. Son authenticité émotionnelle et son honnêteté intellectuelle forment un bloc compact en chaque circonstance. L'énergie contrastée qui fonde son génie musical anime chaque phase de sa vie, et donc chacune de ses trois milliers de lettres publiées.

La correspondance des hommes hors du commun qui transmuent en art la matière de leur existence a souvent le double effet d'éclaircir le phénomène et d'épaissir le mystère. Éclaircir, parce qu'on y voit progressivement de quelle façon ils ont été le produit de leur milieu, comment les occasions sont venues à eux, et combien ils étaient voués à rencontrer leurs pairs. À cet égard, les volumes de la période 1830-1846 irradient l'accomplissement d'une prédestination, et on ne peut être que fasciné par des péripéties qui sont celles des créations du Requiem (1837) ou de Roméo et Juliette (1839), et lorsque les interlocuteurs sont Liszt, Mendelssohn, Schumann, Hugo, Vigny, Balzac. Mais, en même temps, le[...]

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