CORROSION
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La corrosion sèche
La corrosion sèche correspond à l'attaque d'un métal M par un gaz G pour donner le composé C :

Tous les métaux et alliages, à l'exception des métaux nobles (l'or, par exemple), sont attaqués par les gaz à température suffisamment élevée. Parmi toutes les réactions possibles, ce sont surtout celles avec l' oxygène qui ont été le plus étudiées : au sens traditionnel du terme c'est l' oxydation. Mais, en fait, on peut donner à ce dernier terme son sens le plus large et qui caractérise alors l'action d'un élément électronégatif sur un métal ou un alliage : soufre, halogènes (Cl, Br, I), azote, etc. Ces différents éléments actifs peuvent être sous forme libre ou sous forme combinée : vapeur d'eau, monoxyde et dioxyde de carbone, anhydride sulfureux et hydrogène sulfuré, ammoniac, etc.
L'action de ces différents éléments obéit généralement aux mêmes principes et lois et s'étudie expérimentalement selon les mêmes méthodes. Il est alors possible de décrire plus particulièrement les réactions avec l'oxygène, étant bien entendu que les résultats peuvent être étendus à d'autres éléments électronégatifs.
On ne peut se limiter, pour comprendre les processus de l'oxydation, à appliquer seulement les lois de la thermodynamique. En effet, lorsqu'un oxyde se forme à la surface d'un métal, il isole de plus en plus celui-ci de l'oxygène ; aussi, la vitesse de croissance de la couche d'oxyde n'est pas contrôlée par la réaction chimique (1) mais par la diffusion soit du métal, soit de l'oxygène à travers le film solide : c'est un processus physique.
Au cours de l'oxydation d'un métal, il est important de considérer le rapport Δ du volume équivalent de l'oxyde formé à celui du métal attaqué (coefficient d'expansion) :

En fait, les processus de l'oxydation sont relativement complexes, et leur interprétation nécessite de faire appel à différentes disciplines scientifiques. Les aspects structuraux et mécaniques, en particulier, revêtent une importance parfois prédominante.
Pour un métal donné, la vitesse d'attaque dépend de la température. Mais, en dehors de ce facteur important, d'autres paramètres interviennent directement sur le déroulement de la réaction : la pression partielle et la composition du gaz, la pureté du métal ainsi que sa structure et son état de surface.
Structure et défauts des oxydes. Diffusion
Pour que la réaction puisse se poursuivre, il est nécessaire que le métal et l'oxygène puissent venir au contact l'un de l'autre, c'est-à-dire qu'ils puissent diffuser à travers l'oxyde. Donc, suivant les cas, la réaction d'oxydation se produira : à l' interface métal-oxyde s'il s'agit d'une diffusion préférentielle d'oxygène (c'est le cas de Ti/TiO2, Zr/ZrO2 et U/UO2), à l'interface oxyde-oxygène s'il s'agit d'une diffusion préférentielle des ions métalliques (Fe/FeO et Ni/NiO).
Les oxydes sont des édifices cristallins dans lesquels l'oxygène et le métal sous forme ionique occupent des sites bien déterminés. Mais ces cristaux présentent des défauts ponctuels de deux types principaux : un cation interstitiel et une lacune de cation (défauts de Frenkel), comme pour AgBr ; une lacune d'anion et une lacune de cation (défauts de Schottky), comme pour NaCl.
De plus, dans de nombreux cristaux, on observe un écart par rapport à la composition stœchiométrique. Ainsi, FeO et NiO, d'une part, ZnO, d'autre part, sont caractérisés respectivement par un défaut et par un excès de métal.
Ces imperfections du réseau cristallin sont à l'origine de la diffusion soit d'ions oxygène, soit d'ions métal dans les oxydes, et permettent d'expliquer les caractéristiques électriques de ces derniers (conductibilité et nombre de transport). On conçoit alors aisément que la nature et la vitesse de migration des ions dépendront du type de défauts présents dans l'oxyde formé.
Lois cinétiques d'oxydation des métaux
Le paramètre important pour étudier quantitativement les phénomènes d' oxydation est la variation de l'épaisseur Δe de la couche d' oxyde ou la variation Δm du poids de l'échantillon en fonction du temps t pour une température et une pression données.
Plusieurs théories (Wagner, Mott et Cabrera, Hauffe et Ilschner) ont été proposées pour traduire quantitativement l'oxydation des métaux. Diverses lois cinétiques d'oxydation ont été observées.
Le type de loi dépend fortement de l'épaisseur du film d'oxyde ; il dépend donc du temps et de la température. Les conditions d'observations sont schématiquement les suivantes :
– la loi linéaire est observée quand la cinétique est gouvernée par la réaction chimique ; la masse volumique de l'oxyde étant supérieure à celle du métal, la couche d'oxyde ne recouvre pas la surface du métal d'une façon continue et l' oxygène peut toujours atteindre le métal pour l'oxyder ;
– les lois cubique ou parabolique sont observées aux températures moyennes quand la couche d'oxyde est protectrice et mince ; la température étant suffisamment basse, les ions diffusent très difficilement à travers le film d'oxyde ; toutefois, les électrons du métal peuvent traverser l'oxyde quand il est encore très mince et venir réagir avec l'oxygène ; il s'établit alors un champ électrique intense qui entraîne la migration des ions vers l'interface oxyde-oxygène ;
– la loi parabolique est observée pour de nombreux métaux courants quand la couche d'oxyde est épaisse et protectrice ; l'oxydation est assurée par la diffusion des ions à travers le film d'oxyde (loi de Wagner) ; contrairement au cas des couches minces, pour lesquelles le gradient de potentiel électrique joue le rôle principal, pour une couche épaisse c'est le gradient de concentration qui est essentiel ; la constante parabolique k2 est exprimée en fonction des coefficients de diffusion des ions à travers l'oxyde ;
– la loi logarithmique ainsi que la loi logarithmique inverse sont observées à basse température pour les films minces d'oxyde ; dans certains cas (silicium, aluminium, chrome), la loi devient asymptotique.
L'analyse des vitesses d'oxydation, résumée ci-dessus pour un métal pur, est valable quel que soit le nombre de degrés d'oxydation du métal considéré.
Processus de l'oxydation
Lorsqu' un métal est placé dans une atmosphère gazeuse, il y a adsorption du gaz à la surface selon un mode qui varie avec les conditions : aux basses températures, il y a adsorption physique, caractérisée par la fixation d'oxygène moléculaire grâce aux forces de Van der Waals ; l'adsorption chimique, qui se produit aux températures intermédiaires et élevées, est caractérisée par la fixation d'atomes ou d'ions à la surface du métal avec apparition de liaisons fortes de type ionique.
Dans des conditions d'oxydation très ménagées, l'oxyde se forme en des sites particuliers de la surface du métal comme cela a été montré sur le fer ; c'est la germination. Trois étapes successives ont été distinguées dans ce processus (germination et croissance) : la période d'incubation, pendant laquelle s'édifie un film primaire polycristallin constitué de microcristaux orientés au hasard ; à la fin de cette période, il apparaît brusquement un certain nombre de germes qui sont monocristallins et dont la morphologie et le nombre dépendent de l'orientation cristallographique du métal ; leur nombre augmente quand la température diminue et quand la pression augmente ; la période de croissance latérale des germes, qui finissent par recouvrir toute la surface ; enfin, la période de croissance uniforme de l'oxyde.
Deux types d'explication ont été proposés pour interpréter les causes de la localisation des germes : la germination « hétérogène », dans laquelle la vitesse de réaction est accélérée au voisinage de défauts physiques ou chimiques (la sulfuration du cuivre fournit un exemple en faveur de cette interprétation) ; la germination « homogène », observée aux températures élevées pour les métaux ayant peu de défauts.
Une relation particulière d'orientation ( épitaxie) associée à une plus grande perfection du réseau favorise le développement préférentiel des cristallites du film primaire qui possèdent cette orientation.
Après l'adsorption irréversible, il se forme, à la surface du métal, un film d'oxyde dont l'épaisseur croît avec le temps. Quand celle-ci est comprise entre quelques centièmes et quelques dixièmes de micromètre, on observe des colorations dues à un phénomène d'interférences des rayons lumineux réfléchis à la surface de l'oxyde et à l'interface métal-oxyde. L'épaisseur du film dépend de l'orientation cristallographique du métal : c'est la croissance épitaxique.
Lorsque l'épaisseur de la couche d'oxyde devient supérieure à 1 micromètre environ, l'évolution de la corrosion est différente de celle qui a été envisagée précédemment. La vitesse de croissance de l'oxyde dépend de la diffusion à travers celui-ci, diffusion qui assure le contact entre le gaz corrosif et le métal. L'oxydation tend alors dans bien des cas à devenir indépendante des réactions aux interfaces. Suivant que le métal possède un seul ou plusieurs degrés d'oxydation, l'oxyde est composé d'une couche unique ou de plusieurs couches superposées. Très souvent, conformément à la théorie, une loi de croissance parabolique est observée. La constante de vitesse k augmente avec la température suivant la loi :

De nombreux paramètres, en particulier les caractéristiques mécaniques relatives du métal et de l'oxyde, affectent la morphologie des pellicules épaisses. Celles-ci présentent dans bien des cas des défauts : fissures, pores, cavités, décollements et pustules. Ces défauts qui perturbent les mécanismes de croissance entraînent alors des modifications importantes, comme celles que l'on rencontre en pratique dans les couches de calamines, qui sont assez différentes des couches idéales.
Corrosion des alliages
D'un point de vue pratique, de nombreux alliages présentant à la fois de bonnes propriétés mécaniques et une bonne résistance à la corrosion ont été développés. Il serait très satisfaisant de pouvoir prévoir les effets d'une addition métallique sur les caractéristiques de la tenue à la corrosion d'un alliage dans des conditions données. Dans le cas de l'oxydation, par exemple, on peut évaluer l'augmentation ou la diminution du nombre de défauts lorsqu'on introduit un ion étranger dans l'oxyde, ce qui correspond à une accélération ou à un ralentissement de l'oxydation (théorie de Wagner-Hauffe). Mais, dans bien des cas, une telle théorie ne s'applique pas. En effet, le problème de la corrosion sèche des alliages est très complexe et très délicat car, en plus des phénomènes décrits précédemment dans le cas d'un métal pur, de nouveaux paramètres sont à prendre en considération : les affinités respectives des éléments de l'alliage à l'égard des gaz ; les vitesses de diffusion des éléments d'alliage dans le produit de corrosion et la vitesse de diffusion du gaz dans l'alliage ; la solubilité des éléments d'alliage dans la couche corrodée.
Protection contre la corrosion sèche
Pour lutter efficacement contre la corrosion sèche, on peut utiliser des revêtements métalliques. Le revêtement idéal devrait avoir de nombreuses caractéristiques : être lui-même inactif à l'égard des gaz ; avoir une bonne ductilité ; avoir une bonne adhérence insensible aux variations de température ; ne pas former par diffusion avec le substrat une sous-couche fragile ; se cicatriser en cas de détérioration accidentelle ; résister à l'érosion.
Aucun revêtement ne présentant à la fois toutes ces qualités, il est nécessaire de trouver une solution de compromis. Divers procédés ont été mis au point parmi lesquels on peut citer à titre d'exemples : l'immersion dans un métal liquide (aluminisation) ; le dépôt électrolytique suivi d'une diffusion thermique (Ni et Cr) ; la cémentation en phase gazeuse (Cr ou Si sur le fer) ; la projection à chaud, ou schoopage (Al, Ni) ; le procédé thermochimique Galmiche-O.N.E.R.A. (chromaluminisation et tantalisation des superalliages réfractaires pour aubes de turbines à gaz aéronautiques).
Les matériaux céramiques (oxydes, nitrures, carbures) sont également utilisés comme revêtements. Ceux-ci s'obtiennent soit par projection à chaud (en particulier à l'aide du chalumeau à plasma), soit par oxydation d'un dépôt métallique, soit encore par oxydation d'un des éléments de l'alliage. Ainsi, dans le cas des aciers inoxydables, le chrome s'oxyde préférentiellement pour former une couche protectrice constituée de Cr2O3.
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Écrit par
- Gérard BERANGER : Professeur, directeur du laboratoire des matériaux de l'université de technologie de Compiègne
- Jean TALBOT : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie et à l'École nationale supérieure de chimie de Paris
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Point d'ébullition : — 84,9 0C
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Température critique : 51,54 0C.
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