CORSET, histoire du costume
Depuis la Renaissance, le costume féminin n'a acquis les formes caractéristiques de ses différentes phases stylistiques que grâce à des infrastructures invisibles placées sous le vêtement, qui modèlent la silhouette. Au xvie siècle, le corsage se sépare de la jupe, les deux pièces formant la robe dont les éléments deviennent alors matériellement indépendants les uns des autres. Le corps de la femme est désormais conçu comme un assemblage dont chacune des parties peut être soumise au caprice de la mode, à la volonté de corriger la nature selon des canons esthétiques variables. Basquine au xvie siècle, corps piqué ou à baleines aux xviie et xviiie siècles, le corset au xixe siècle répondent tous à la définition de la Grande Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751) : « Vêtement qui se met immédiatement par-dessus la chemise et qui embrasse seulement le tronc depuis les épaules jusqu'aux hanches [...]. Il ne doit pas altérer la forme du corps. » En fait, il affine la taille, comprimant et relevant la poitrine.
La basquine, qui vient d'Espagne, et le corset à busc, d'origine italienne (xvie s.), sont constitués d'un tissu épais consolidé par une forte armature interne, en bois, en métal ou en fanons de baleine. Le busc frontal, qui assure par son renfort la rigidité de l'ensemble, est parfois en matériau précieux : ivoire gravé, bois travaillé ou métal. Le corps est un cône rigide, auquel le torse, enfantin ou féminin, doit s'adapter. La silhouette qu'il dessine oppose la raideur plus ou moins décolletée de la partie supérieure du corps au ballonnement des jupes.
Le goût du retour à l'Antique néo-classique puis la Révolution allongent les lignes, la taille se perd et le corset disparaît. Il réapparaît sous la Restauration jusqu'à son bannissement par le couturier Paul Poiret vers 1910. Le corset est baleiné sur toutes les coutures et fortement lacé derrière. Vers 1830, le souci anatomique apparaît avec les goussets disposés pour soutenir la poitrine et arrondir les hanches. Il ne subit plus que des variations minimes : accentuation de la silhouette plantureuse du second Empire, véritable cuirasse de 1875 à 1880 et de 1900 jusqu'à son abandon.
Sa fabrication se distingue dès l'origine par une haute technicité. Elle est donc confiée aux hommes. Le traité de F. A. de Garsault, Les Tailleurs de corps de femmes et d'enfants (1769), détaille dans l'esprit de l'Encyclopédie les principes de l'art. Au xixe siècle, la suppression des corporations et une nouvelle conception de la pudeur réserve le métier aux femmes, avant l'industrialisation et la démocratisation de la mode par la confection. L'armature en osier puis en fanons de baleine est remplacée par des lames d'acier, plus souples, plus solides et moins chères, qui conservent le nom de baleines. Le xixe siècle est l'âge d'or du corset. Article élégant et soigné, donc relativement onéreux, il est diffusé par les grands magasins. À Paris, après 1870, plus de 3 500 ouvrières le confectionnent, plus de 1 000 à Londres, sans compter les aciéries de Birmingham ou de Sheffield, fournisseurs de rivets, œillets, buscs et autres pièces métalliques. Agent et objet de publicité, il représente un véritable enjeu économique : en une vingtaine d'années, plus de soixante-dix brevets sont pris à son sujet en France. Pierre angulaire dont dépend tout l'édifice du costume féminin, le corset est une question récurrente tout au long du siècle. Plus qu'un sous-vêtement, il véhicule érotisme et fétichisme ; son aspect coercitif et orthopédique en fait le sujet favori des hygiénistes, représentants d'un pouvoir médical qui s'érige dans un siècle positiviste. Si leurs opinions sont contradictoires, ils se trouvent d'accord sur le fait que les femmes et les enfants, créatures faibles par nature, ont besoin d'un tuteur[...]
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Écrit par
- Renée DAVRAY-PIÉKOLEK : conservateur du Patrimoine de la Ville de Paris
Classification
Médias
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