- 1. Perception, représentation et production de la couleur dans les civilisations antiques
- 2. Les couleurs dans les religions monothéistes
- 3. Techniques et traités au Moyen Âge
- 4. Couleurs et lumière
- 5. La couleur industrielle
- 6. Symbolique des couleurs et société industrielle
- 7. Les couleurs de la ville moderne
- 8. Bibliographie
COULEURS, histoire de l'art
Les couleurs dans les religions monothéistes
Dans l'Interprétation des songes (ou Oniro-critique), Artémidore (iie s. apr. J.-C.) explique que la vision de vêtements rouges fait présager la fortune ou des honneurs, et celle de vêtements blancs, couleur dont on habille les morts, les plus grandes calamités. Tandis que le noir, signe de deuil qui désigne les survivants, n'annoncerait que des événements moins fâcheux. Pour Artémidore, le rouge, avec ses attributs de richesse, précède le noir et s'oppose au blanc, tandis que le violet, couleur de la séparation, sera, pour les catholiques après le concile de Nicée (325 apr. J.-C.), la couleur de la prière et remplacera la splendeur de la pourpre.
Pour le christianisme, le vert, couleur emblématique de la vie nouvelle et de la pratique naturaliter christiana, est associé à la fertilité de la terre et à l'état de grâce. L'affirmation progressive de l'Église et l'organisation croissante de sa hiérarchie s'expriment successivement dans le rouge pourpre qui évoque la passion du Christ et le supplice des martyrs. En tant que couleur du feu et de la foi, participant de la dignité épiscopale, elle scelle, à partir de Paul II, la plénitude du sacerdoce. Le bleu ciel et le vert s'associent dans la mosaïque byzantine et chrétienne, sur un fond d'or resplendissant, la pourpre royale étant exclusivement réservée aux vêtements du Christ Pantocrator. À la Vierge seront successivement associés le bleu, car elle est reine, et le rouge, car elle est la Mère de Dieu. À cette couleur s'oppose le blanc, celui du vêtement du baptisé et celui du vicaire du Christ sur la terre. Contrairement à l'indifférence manifestée à l'époque gréco-romaine envers le caeruleum (bleu foncé), on exalte dans la tradition chrétienne le caractère céleste de cette couleur, opposée au noir qui exprime, lui, la perdition des anges déchus.
L'existence d'une nouvelle communauté, où Latins et Barbares se côtoyaient unis par le baptême, a provoqué la construction d'une nouvelle « image » spirituelle de la couleur, plus proche de l'eau qui purifie que du feu. Pour les croyants, avant même d'être les symboles de la liturgie, les couleurs des catacombes (blanc, violet, bleu ciel, vert) exprimaient l'identité des membres d'une communauté ecclésiale clandestine, face aux païens et à leurs idoles. Le Nouveau Testament proposait un programme chromatique nouveau par rapport à la bitonalité du rouge et du blanc de l'Ancien Testament, et cela spécialement grâce au bleu ciel, couleur chargée de vertus surnaturelles. Avec lui, les symboles de l'eau (pêche, poissons) prévaudront sur ceux du feu, d'origine païenne, qui ne seront maintenus que pour évoquer le mystère de la Pentecôte et de l'Esprit-Saint.
Les différences établies par Nietzsche – reprises et développées par Oswald Spengler – entre les couleurs polythéistes (jaune, rouge) et les couleurs monothéistes (bleu, vert) offrent en ce sens une distinction idéologique entre les couleurs du monde gréco-romain (de l'espace) et les couleurs du monde chrétien (du destin), dans le double sens de la présence et de l'attente.
Si la chrétienté a choisi le bleu clair comme couleur du royaume des cieux et associé le vert à la communauté terrestre, l'islam réserve le vert à la religion (et au prophète) et le bleu turquoise à la communauté religieuse et à la décoration des mosquées et des maisons. Le vert, couleur de l'étendard de l'islam, n'est donc pas utilisé, par respect, dans la vie courante. Cette prévalence du vert, et plus précisément du couple vert-bleu turquoise, dans le monde arabe a trouvé l'occasion de s'affronter au couple bleu clair-vert du monde chrétien au cours des croisades. Du reste, on s'accorde à penser depuis longtemps que les bannières, les[...]
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Écrit par
- Manlio BRUSATIN : professeur à l'université de Venise, département d'histoire et de critique de l'art
Classification
Médias
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