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COULEURS, histoire de l'art

La couleur industrielle

John Dalton - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

John Dalton

Au xviiie siècle, en France, les expérimentations sur le tissage et les teintures dans le cadre de la manufacture des Gobelins permirent d'harmoniser la prolifération des matières colorantes sur le marché puis de coordonner et de réglementer la production des teintes classiques et nouvelles. À côté de ces interventions normatives, il faut noter la découverte des couleurs à l'aniline, dont la production industrielle se développera massivement au xixe siècle. Posséder enfin une règle unique qui permette de garantir la qualité, l'uniformité et la solidité des teintes marquait une étape importante. Parallèlement, l'industrie chimique s'attache à produire des teintes d'après l'échelle des couleurs sélectionnées par l'usage et le goût, mais renonce à rechercher des coloris rares et difficiles à reproduire. Plusieurs traités étudient les perceptions chromatiques anormales. John Dalton (1794), premier daltonien, théorise les imperfections de la perception visuelle à partir du rouge ; la recherche s'étend ensuite à l'absence de perception du bleu et du violet, physiologiquement plus rare.

Les diverses tentatives pour donner des prolongements pratiques aux découvertes de Newton aboutissent par exemple au mordançage, au blanchiment, au lissage des fils. Le blanchiment sert à éliminer la saleté naturelle – ou due à la fabrication – des matières textiles, grâce à l'administration de colorants. Les anciennes pratiques de blanchiment à base de soufre et de nitre, qui requéraient de vastes espaces pour l'exposition et le séchage des toiles, sont industriellement remplacées par la chloration d'abord, puis par le procédé du bleaching powder (1798). Durant le xixe siècle, l'industrie chimique cherche à obtenir, grâce à la production synthétique de la couleur, des teintes inaltérables ; elle n'y parviendra qu'à l'orée du xxe siècle. La production de colorants industriels se développe surtout en France et en Allemagne ; en Angleterre, l'industrie textile favorisait les importations de teintures naturelles venues des colonies. Dans ses Lettres de Wuppertal écrites en 1839, Engels évoque la transformation de sa région d'origine en distinguant le travail archaïque du blanchiment par exposition dans les prés et celui des teintures modernes qui « colorent » les eaux et le paysage avec la couleur rouge turc. Cette couleur, obtenue par un procédé tinctorial très complexe, avait pour base une teinte naturelle, le rouge garance ; elle était encore utilisée dans les régions d'industrie peu avancée au début du xixe siècle. Mais, très rapidement, l'alizarine artificielle allait remplacer les teintures rouges tirées de la garance, entraînant du même coup la cessation de la culture de cette plante. La découverte des teintes rouges artificielles s'étendit à toute la France à l'époque de la Restauration et se concrétisa en particulier au second Empire quand fut soulevée l'épineuse question du monopole de la teinture des pantalons rouges de l'armée.

L'invention de l' indigo artificiel (1880) représente l'aboutissement des expérimentations poursuivies durant le xixe siècle à partir des recherches sur la couleur menées par J. A. Chaptal, ministre de Napoléon et pionnier en la matière. L'industrie allemande fit siennes ces expériences, de telle sorte qu'à la fin du xixe siècle elle produisait la quasi-totalité des colorants et des teintures. Les sociétés Bayer, Hoescht et Ciba, qui comptent parmi les industries les plus solides, sont nées alors, en vue de la production de colorants.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Venise, département d'histoire et de critique de l'art

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Médias

Michel-Eugène Chevreul - crédits : Bettman/ Getty Images

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John Dalton - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

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