CASSATION COUR DE
La Cour de cassation est, dans l'ordre judiciaire, la plus haute juridiction française. Très différente des cours d'appel et des tribunaux, elle l'est également des cours suprêmes étrangères. Son rôle essentiel n'est pas de juger à nouveau les litiges, comme le fait une juridiction d'appel, mais uniquement de vérifier l'application de la loi faite par les juges en vue d'assurer l'unité de son interprétation. Tout jugement suppose, en effet, une double opération : la constatation des faits d'abord ; ensuite l'application de la loi auxdits faits. Or la loi peut être obscure ; même bien faite, elle édicte une règle abstraite et générale qui ne peut tout prévoir. Lorsqu'il s'agit de l'appliquer à une situation donnée, on peut souvent hésiter entre plusieurs interprétations. Que deux tribunaux attribuent au même texte un sens opposé et c'en serait fait de l'unité de législation, principe fondamental de notre droit.
Parce qu'elle est une juridiction, la Cour de cassation n'interprète la loi qu'à l'occasion d'un procès engagé ; elle est saisie après que l'affaire a été jugée en dernier ressort par ceux qu'on appelle les juges du fond. Elle ne connaît pas des faits et se borne à approuver ou à critiquer l'interprétation de la loi donnée par la décision qui lui est déférée. Si elle estime cette interprétation erronée, elle casse la décision et renvoie l'affaire devant une juridiction de même ordre que celle qui avait rendu la décision cassée. Pour exprimer ce rôle très particulier, on la qualifie de cour régulatrice, on dit qu'elle n'est pas un troisième degré de juridiction ou encore qu'elle juge le jugement et non le procès.
La Cour de cassation est tenue de motiver ses arrêts tant de rejet que de censure et leur ensemble forme ce qu'on appelle sa jurisprudence. À la différence du « précédent » anglais, cette jurisprudence n'est pas obligatoire ; chaque juge est libre de ne pas la suivre ; mais, ce faisant, il expose sa décision à la censure. C'est pourquoi, pratiquement, la jurisprudence est devenue une source de droit très importante.
Rôle et fonction
L'interprétation de la loi
Créée par la Constituante (loi des 27 nov.-1er déc. 1790), sous le nom de Tribunal de cassation, la Cour de cassation est souvent considérée comme le successeur du Conseil des parties, section du Conseil du roi, dont, jusqu'à la loi du 23 juillet 1947, elle a suivi la procédure fixée par un règlement de 1738. Entre les deux organismes, il existait cependant de grandes différences d'attributions, à l'origine du moins. L'interprète d'un texte, pensait-on sous l'ancien droit, ne peut être que l'auteur de celui-ci, ejus est interpretari cujus est condere (« l'interprétation revient à celui qui légifère »). Le roi seul pouvait interpréter ses ordonnances et édits, il le faisait en son Conseil – ou son Conseil le faisait pour lui.
L'ordonnance sur la procédure de 1667 faisait défense aux juges d'interpréter les textes royaux. Renforcée par le dogme de la séparation des pouvoirs, cette conception conduisit à limiter le rôle de la Cour de cassation à censurer la « contravention expresse » à la loi.
L'interprétation de la loi était demandée au législateur par voie de référé législatif. Les difficultés d'interprétation surgissant dans tous les procès, les dossiers s'accumulèrent sans solution. Dès 1828, le référé législatif disparut. La Cour de cassation avait conquis son rôle actuel : interpréter la loi.
Le législateur n'est pas pour autant désarmé ; il peut toujours remplacer le texte qu'il estime mal compris par un texte plus clair et plus précis. Il lui arrive même de donner à une modification qu'il édicte un caractère[...]
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Écrit par
- Charlotte BÉQUIGNON-LAGARDE : conseiller à la Cour de cassation
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