CASSATION COUR DE
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Le contrôle
Initiative
L'unité d'interprétation de la loi concerne l'intérêt général. On serait tenté d'en déduire que le ministère public peut saisir la Cour de tout jugement qu'il estime contraire à la loi. Tel n'est pas cependant le système français. La direction du procès appartient aux parties : c'est à elles seules de se plaindre de l'erreur de droit qu'elles imputent à la décision. Exceptionnellement, si, par négligence, ignorance, crainte des frais ou toute autre raison, les parties n'agissent point, le ministère public peut déférer à la Cour de cassation la décision contraire à la loi. Il forme un pourvoi « dans l'intérêt de la loi » dont les effets sont tout théoriques.
Par ailleurs, la loi du 15 mai 1991 dispose qu’une juridiction peut saisir la Cour de cassation pour obtenir son avis sur une question de droit en matière civile ; il faut que la question présente par sa nouveauté de sérieuses difficultés d’interprétation et se trouve posée dans de nombreux litiges ; cependant, l’avis de la Cour de Cassation ne s’impose pas aux juges du fond.
Toujours pour respecter le droit des parties à diriger leur procès, on n'admet pas la Cour de cassation à censurer toutes les erreurs de droit : elle ne peut examiner la décision que dans la limite des moyens proposés par les parties. Tout au plus peut-elle invoquer d'office un moyen d'ordre public, s'il est de pur droit. Le droit allemand, au contraire, confère au BGH des pouvoirs beaucoup plus étendus ; il admet la libre révision de la décision attaquée. Le BGH peut relever d'office toutes les erreurs de droit, qu'elles soient ou non invoquées par les parties.
À la différence du BGH, dont la censure ne s'exerce ni sur les petits litiges ni sur les procès du travail portés devant des juridictions spéciales dont le tribunal suprême siège à Kassel, le contrôle de la Cour de cassation porte sur toutes les décisions rendues par les tribunaux judiciaires, quelles que soient la nature de la juridiction et l'importance du litige. Une affaire célèbre dans les annales judiciaires portait sur un intérêt de 1,25 franc (ancien).
Le pourvoi reste un ultime recours, il n'est possible que s'il n'existe pas d'autre moyen de faire rectifier l'erreur de droit. La décision doit être rendue en dernier ressort, c'est-à-dire soit sur appel, soit après décision non susceptible d'appel. Le plaideur qui a négligé d'interjeter appel n'est pas recevable.
Étendue du contrôle
Les tribunaux suprêmes d'Allemagne et d'Italie sont, comme la Cour de cassation, saisis seulement de questions de droit. On appelle, en France, causes d'ouverture à cassation les cas où le pourvoi est possible. Ces cas se ramènent tous à une violation de la loi.
On entend ici le terme « loi » au sens large ; il englobe, à côté de la loi proprement dite, les règlements pris par le gouvernement ou certaines autorités locales : décrets, arrêtés préfectoraux, voire municipaux à portée générale (par opposition aux mesures individuelles, nomination, etc.). En principe, le contrôle s'arrête là, il faut un texte écrit et un texte obligatoire. Cette dernière exigence a longtemps exclu la loi étrangère, « considérée comme un fait », ce qui veut dire que la Cour de cassation n'en censurait pas l'interprétation ; mais la jurisprudence a évolué. Cela exclut aussi tout ce qui ne résulte pas d'un texte, et en particulier, quoique avec des réserves, la coutume et les principes généraux que font au contraire respecter la Cour de cassation de Rome et le BGH.
Le contrôle de la Cour de cassation s'est peu à peu étendu : cour souveraine, elle traçait elle-même les limites de son intervention. Ainsi, la frontière entre le fait et le droit – le fait qui échappe à son contrôle et le droit dont elle connaît – a été repoussée. La Cour s'est efforcée de rattacher aux textes législatifs des règles qu'elle édictait spontanément. Elle l'a même fait parfois au nom de principes très généraux de morale et d'équité, tel le principe selon lequel nul ne doit s'enrichir aux dépens d'autrui. Elle a eu recours aussi, pour élargir sa compétence, aux textes qui lui enjoignent d'annuler les arrêts non conformes aux règles de procédure : le défaut et l'insuffisance de motifs de fait lui ont permis de casser des décisions pour « manque de base légale ». Dans l'interprétation d'un contrat, la recherche de l'intention des parties relève de l'appréciation du juge du fait, mais la qualification du contrat est une notion de droit ; et, comme la convention est la loi des parties, la Cour censure aussi la dénaturation des clauses claires et précises du contrat. De la qualification du contrat, la Cour est passée à la qualification des faits : avec prudence d'ailleurs, elle vérifie la qualification des fautes, faute lourde, faute inexcusable, etc. Ainsi, elle surveille désormais toute la vie juridique.
Effets
La Cour de cassation peut décider que l'erreur de droit invoquée n'existe pas : elle rend alors un arrêt de rejet, et la décision attaquée, qui d'ailleurs était exécutoire malgré le pourvoi, devient définitive.
Au cas contraire où l'erreur est reconnue, le droit français se sépare des autres droits. La Cour de cassation italienne et le BGH peuvent casser la décision sans renvoi, la première quand elle indique le juge compétent ou quand elle estime que la demande ne peut être portée devant aucun juge ; le second, lorsqu'il peut, en l'état des faits constatés par la décision cassée, appliquer la règle de droit énoncée par lui. Dans les autres cas, l'affaire est renvoyée devant une juridiction de fait, qui est tenue de s'incliner sur le point de droit devant la décision de la juridiction suprême.
En France, lorsque la Cour de cassation a cassé la décision du juge du fond, elle renvoie devant une juridiction de mêmes nature et degré que celle qui a rendu la décision cassée, et cette juridiction de renvoi juge à nouveau l'affaire sans être liée, même en droit. Un second pourvoi est alors possible. Dans ce cas, jusqu'en 1967, l'affaire était jugée très solennellement par les chambres réunies de la Cour de cassation. Cette formule était lourde et le devenait de plus en plus. C'est pourquoi la loi de 1967 a substitué à cette formation l'assemblée plénière, qui comprend, sous la présidence du premier président, les présidents et doyens des six chambres ainsi que deux conseillers de chacune d'elles. Cette formation peut renvoyer à nouveau devant une troisième juridiction du même niveau que les deux premières, qui est tenue, cette fois, de se conformer à la décision sur le point de droit. Dans l'hypothèse où la chambre compétente a renvoyé devant la chambre mixte, formation composée de magistrats appartenant à plus de deux chambres de la Cour, celle-ci peut casser sans renvoi, casser en renvoyant ou en estimant que l'affaire est assez délicate pour justifier une décision de l'assemblée plénière, saisir cette dernière qui pourra soit casser sans renvoi soit casser en renvoyant. La juridiction de renvoi devra alors s'incliner devant la décision de la Cour. Ainsi, par le jeu de la saisine successive de la chambre mixte et de l'assemblée plénière, il n'y a qu'un seul pourvoi et un seul renvoi, ce qui constitue un gain de temps considérable.
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Écrit par
- Charlotte BÉQUIGNON-LAGARDE : conseiller à la Cour de cassation
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