COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Après plus de cinquante années de vicissitudes, la communauté internationale s'est dotée d'une juridiction permanente permettant de punir les bourreaux, de prévenir l'oubli et de dissuader les criminels potentiels de commettre des crimes de guerre, des génocides et autres crimes contre l'humanité. Le 17 juillet 1998, à l'issue d'une conférence internationale réunissant à Rome les représentants de cent quarante-huit pays, le statut portant création de la Cour pénale internationale (C.P.I.) était adopté par cent vingt d'entre eux. Sept États ont voté contre – États-Unis, Chine, Israël, Inde, Vietnam, Bahreïn, Qatar – et vingt et un, essentiellement des pays arabes, se sont abstenus. Le statut est entré en vigueur en 2002. Depuis lors, progressivement, l'activité judiciaire de la Cour se met en place.
La lente émergence d'une justice pénale internationale
L' idée de poursuivre des individus pour des crimes exceptionnels au nom de principes supérieurs d'humanité remonte aux prémices du droit de la guerre, au Moyen Âge. Parmi les rares précédents, on cite la condamnation à mort à Naples en 1268 de Conradin von Hohenstaufen, pour déclenchement d'une « guerre injuste », même si le procès fut organisé par son rival et vainqueur, Charles d'Anjou ; ou encore la condamnation à Brisach en 1474 de Peter von Hagenbach, lieutenant de Charles le Téméraire en Alsace, pour crimes contre « les lois de Dieu et des hommes » (le premier procès où l'accusé ait invoqué pour sa défense les ordres reçus de son supérieur). On cite aussi un exemple plus récent : la sanction infligée au comte Rosen, relevé de son commandement par Jacques II d'Angleterre en 1689, pour ses méthodes cruelles employées lors du siège de Londonderry, tenue par les protestants.
Après une préhistoire balbutiante, la création de la C.P.I. est l'aboutissement d'un long processus engagé dès le début du xxe siècle. En 1872, Gustave Moynier, l'un des fondateurs de la Croix-Rouge, évoque pour la première fois l'idée d'une juridiction universelle, en réaction à la cruauté des crimes commis pendant le conflit franco-prussien. L'idée est reprise dans l'article 227 du traité de Versailles du 28 juin 1919 qui dispose que Guillaume II doit être déféré à un tribunal spécial pour « offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités ». Mais ce procès n'a jamais eu lieu, les Pays-Bas, où le Kaiser s'était réfugié, ayant refusé de l'extrader. Faire de ce souverain déchu l'unique coupable de la Première Guerre mondiale aurait du reste sans doute fort peu contribué au progrès du droit pénal international.
L' ampleur et la gravité des crimes perpétrés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale relance les discussions et les Alliés affirment leur volonté de juger les responsables. À la fin de la guerre, deux juridictions sont créées : le Tribunal militaire international de Nuremberg, par l'accord de Londres du 8 août 1945, et le Tribunal international pour l'Extrême-Orient, par une déclaration du commandant suprême des Forces alliées le 19 janvier 1946. Leurs statuts posent les jalons du droit international pénal en définissant les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
L' Assemblée générale des Nations unies a confirmé le 11 décembre 1946 « les principes de droit international reconnus par le statut du Tribunal de Nuremberg et par le jugement de celui-ci » pour leur donner une valeur permanente. La création du Tribunal de Nuremberg était une formidable innovation. Pour la première fois, la responsabilité personnelle d'individus était mise en cause devant un tribunal répressif international et l'obéissance aux ordres comme fait justificatif[...]
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Écrit par
- Sarah PELLET : juriste adjoint, direction du service de la Cour, Cour pénale internationale
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Médias
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