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COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Le fonctionnement de la C.P.I.

La complémentarité est un nouveau concept en droit international pénal et l'un des plus importants pour comprendre le fonctionnement de la C.P.I. Elle crée une relation inédite entre les juridictions nationales et la Cour permettant un équilibre entre leurs compétences respectives. Ainsi, les États conservent le premier rôle en matière de poursuite des crimes de la compétence de la Cour, la C.P.I. n'étant qu'une cour de dernier ressort.

Contrastant avec la primauté reconnue aux tribunaux ad hoc, la complémentarité établie dans le Statut de la Cour pénale internationale manifeste clairement la volonté des négociateurs de respecter la souveraineté des États. La Cour n'intervient que lorsque les États n'ont pas la volonté ou sont dans l'incapacité de traduire les criminels en justice. À ces fins, elle examinera si un État a agi de manière à protéger un accusé contre un procès, si le système judiciaire de cet État s'est partiellement ou totalement effondré ou si le procès diligenté par l'État n'a pas été mené de manière impartiale et équitable.

La complémentarité pose également certains problèmes. En particulier parce que ce principe impose un effort des États dans la mise en conformité de leur législation avec les prescriptions du Statut. En effet, un grand nombre d'États ayant ratifié le Statut de Rome n'ont pas encore procédé à cette mise en conformité, créant de fait un vide juridique qu'il importe de combler pour donner plein effet au principe de complémentarité.

En France, par exemple, la loi du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale n'a constitué qu'un premier pas, en laissant de côté l'adaptation du droit français en matière de répression et de poursuite des crimes visés au statut de Rome. Cette absence d'adaptation du droit français est d'autant plus problématique que la France est le seul État avec la Colombie ayant formulé une déclaration au titre de l'article 124 du Statut qui permet de soustraire les crimes de guerre de la compétence de la Cour pour une durée de sept ans, ce qui rend encore plus nécessaire la définition des crimes de guerre en droit interne puisque, pendant cette période transitoire, seul le juge national est compétent pour sanctionner de tels crimes.

Le cas des États-Unis est également intéressant. Alors qu'ils ont toujours soutenu l'action des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, les États-Unis se montrent extrêmement réticents en ce qui concerne la Cour pénale internationale : ils ont voté contre le Statut en 1998 et mènent depuis lors une politique visant à empêcher à tout prix la Cour de poursuivre des fonctionnaires et des militaires américains, ce qui constituerait selon eux un obstacle majeur à la participation des États-Unis aux opérations de maintien de la paix des Nations unies. Pourtant, le président Clinton a signé le Statut de Rome le 31 décembre 2000, juste avant la fin de son mandat. Mais, le 6 mai 2002, l'administration Bush déclarait que les États-Unis n'avaient pas l'intention de devenir partie au Statut de Rome. Depuis lors, les États-Unis négocient des accords bilatéraux par lesquels les États signataires s'engagent à refuser la remise de tout citoyen américain à la C.P.I.

Autre innovation importante, les négociateurs du Statut de Rome ont placé les victimes au cœur même de la justice internationale. Lors de la création des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, les victimes avaient été quelque peu oubliées. Elles ne pouvaient ni participer aux débats répressifs, ni obtenir réparation de leurs dommages, seules étaient prévues des mesures de protection, particulièrement pour la victime en tant que témoin. Désormais,[...]

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Écrit par

  • : juriste adjoint, direction du service de la Cour, Cour pénale internationale

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Médias

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