COUR SUPRÊME DES ÉTATS-UNIS
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La Cour suprême des États-Unis, qui siège à Washington, trône au sommet de l’ordre judiciaire fédéral américain. Dans ce système juridique de commonlaw, où les décisions des juges sont primordiales dans la formation du droit, son pouvoir est immense : c’est en référence à la jurisprudence de la Cour suprême que les juristes américains décrivent de larges pans du droit. Dès lors, la Cour joue aussi un rôle politique de premier plan, en tranchant souvent les polémiques les plus vives qui déchirent la société américaine. Une grande attention doit donc être portée aux juges qui la composent, avant de présenter les compétences de la Cour et de donner un aperçu de sa jurisprudence.
Les juges de la Cour suprême
La Cour suprême, dont l’existence est prévue à l’article III de la Constitution, a été créée par une loi de 1789 et a siégé pour la première fois en 1790 à New York, avant de gagner Philadelphie puis Washington. La Constitution ne précise pas le nombre de membres de la Cour suprême, et celui-ci a évolué dans le temps. Fixé d’abord à six, il a connu diverses variations avant de se stabiliser à neuf depuis 1869. Ces juges, qui portent le titre de justices, ont à leur tête un président, le chief justice. La Constitution prévoit que ces juges, nommés par le président des États-Unis avec l’accord du Sénat, « conserveront leurs charges tant qu’ils auront une bonne conduite » (during good behaviour), ce qui signifie qu’ils sont nommés à vie, et ne quittent la Cour qu’en cas de démission, de décès ou de destitution. Cette dernière hypothèse peut intervenir, comme pour le président, à la suite d’une mise en accusation (impeachment) par la Chambre des représentants, suivie d’une condamnation par le Sénat. Cette procédure n’a été utilisée qu’à une seule reprise, en 1804, contre Samuel Chase, qui fut acquitté par le Sénat. Un juge accusé de corruption, Abe Fortas, a démissionné en 1969 face à la menace d’une destitution.
Si le mandat à vie offre une importante garantie d’indépendance, il présente également de lourds inconvénients qui conduisent nombre de juristes et d’élus américains à proposer aujourd’hui de l’abandonner au profit d’un mandat de dix-huit ans (Presidential Commission on the Supreme Court of the United States, Final Report, 2021, p. 111). En premier lieu, il arrive que des juges demeurent en fonction alors même qu’ils sont intellectuellement affaiblis par le grand âge. Des juges importants comme Hugo Black (1886-1971) ou Thurgood Marshall (1908-1993) sont restés à la Cour au-delà de l’âge de quatre-vingts ans, alors qu’ils n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Ensuite, le hasard des décès et l’usage stratégique de la démission conduisent à un renouvellement irrégulier de la Cour, qui nuit à sa légitimité démocratique : les nominations ne sont guère corrélées aux résultats des élections. Ainsi, en un seul mandat, le président Richard Nixon a pu nommer quatre juges, mais Jimmy Carter aucun. Enfin, le mandat à vie donne une telle importance aux nominations des juges qu’elle les transforme en batailles politiques d’une violence inouïe. L’enjeu est en effet de taille : si, jusqu’aux années 1970, un juge restait en moyenne dix-huit ans à la Cour, le mandat moyen dure désormais environ un quart de siècle.
Ainsi, lorsque le juge Antonin Scalia, chef de file du camp conservateur, est décédé au début de l’année 2016, les sénateurs républicains ont tout mis en œuvre – avec succès – pour empêcher le président Barack Obama de lui nommer un remplaçant. Ils ont notamment prétendu qu’il était interdit ou inhabituel qu’un président nomme un juge lors de la dernière année de son mandat, mais n’ont pas hésité à confirmer à la hâte la nomination par le président Donald Trump d’une remplaçante à la juge Ruth Bader Ginsburg,[...]
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Écrit par
- Thomas HOCHMANN : professeur de droit public, université Paris Nanterre
Classification
Médias