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COURS DE POÉTIQUE (P. Valéry) Fiche de lecture

« Tout ce qui est évident, généralement, cache quelque chose qui ne l’est pas du tout, et c’est une grande qualité de l’esprit de considérer fort peu de choses comme évidentes », affirme Paul Valéry au détour du fastueux Cours de poétique qu’il a mené au Collège de France à la fin de sa vie, de 1937 à 1944, et que l’on ne connaissait jusqu’ici qu’à travers quelques bribes ou témoignages de jeunes auditeurs durablement impressionnés, de Maurice Blanchot à Cioran. Grâce au gigantesque travail éditorial mené par l’essayiste et universitaire William Marx, les voici publiés en deux épais volumes : Le corps et l’esprit. 1937-1940et Le langage, la société, l’histoire. 1940-1945 (Gallimard, 2023).

Pourquoi l’art ?

Valéry affirme ne rien estimer autant que les « questions enfantines » qui peuvent paraître absurdes ou stupides à l’adulte raisonnable, mais qui seules « peuvent nous apprendre quelque chose et nous amener à des réflexions très importantes ». C’est que les enfants ne se satisfont pas de l’évidence, fruit de l’habitude, alors que « la plupart des hommes » sont dépourvus de curiosité devant les phénomènes les plus fréquents, et doivent le rester pour se consacrer à la marche utile du monde qui leur impose de demeurer face aux évidences « parfaitement indifférents, comme les animaux devant les astres, comme les carnivores devant les carottes ». Ainsi, armé d’une curiosité inlassable et d’un savoir considérable empruntant autant à la physique quantique qu’à la sociologie, l’auteur de Monsieur Teste pose à son tour une question fort enfantine : pourquoi l’art, pourquoi la littérature ? Pourquoi la quête du bien-être matériel ne suffit-elle pas à l’humanité ?

Cette question l’entraîne, d’une part, à interroger la naissance de toute œuvre d’art au cœur de la vie psychique de l’individu qui se livre, en marge de la mécanique sociale, au lent processus d’élaboration d’une forme ordonnée à partir du chaos de sensations et d’émotions qui le constituent, et, d’autre part, à interroger en miroir la réception des œuvres et leur incidence sociale. Pour ce faire, il saisit l’opportunité qui lui est proposée, alors qu’à soixante-sept ans il n’a encore jamais enseigné, d’inventer au sein du Collège de France une discipline nouvelle, sous le terme « poétique », qu’il s’approprie en l’employant dans son acception étymologique : c’est « la notion toute simple de faire que je voulais exprimer. Le faire, le poïein, dont je veux m’occuper, est celui qui s’achève en quelque œuvre et que je viendrai à restreindre bientôt à ce genre d’œuvres qu’il est convenu d’appeler œuvres de lesprit », explique-t-il dans sa leçon inaugurale, donnée le 10 décembre 1937, la seule qui avait été jusqu’ici publiée, dans le volume Variété V,paru en 1944.

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