COÛT SOCIAL
Intervention de l'État ou jeu du marché ?
Faut-il ou non corriger l'existence des coûts sociaux ou/et compenser les dommages ressentis par certains agents à cette occasion ? Ce problème est fondamental pour l'analyse économique et se retrouve à la base des débats les plus célèbres sur la nécessité ou non de corriger le fonctionnement des marchés ainsi que sur l'intervention de l'État.
Pour les uns, l'existence de coûts sociaux met en cause la capacité du marché à réaliser des situations optimales pour l'ensemble des agents et conduit à faire intervenir l'État ; ce dernier réduira la taille des activités à l'origine de ce processus, ou bien les interdira, ou bien encore les laissera subsister au prix d'un système de compensation des dommages ainsi entraînés. La position la plus traditionnelle est ici celle d'Arthur C. Pigou, aux yeux de qui l'existence d'un coût social était une condition suffisante pour déclencher l'intervention de l'État, le principe étant de poursuivre cette action jusqu'au moment où le coût social disparaîtrait, plus précisément jusqu'au moment où il se confondrait avec le seul coût privé.
Pour les autres, il convient, au contraire, de laisser les agents corriger d'eux-mêmes, par le biais d'interventions sur le marché, le processus en question. Ce débat est aujourd'hui indissociable du théorème formulé par Ronald Coase, pour qui il convient de laisser le marché fonctionner, l'existence de coûts sociaux étant, en fait, non pas un obstacle à mais au contraire une garantie contre des interventions intempestives et finalement dommageables de l'État.
Le théorème de Coase
Partons d'un exemple classique : aux premiers temps des chemins de fer, l'activité des compagnies ferroviaires entraîne, pour les agriculteurs, des destructions sur les exploitations situées tout au long des voies. Le gain des unes a donc pour contrepartie immédiate des pertes pour les autres, pertes non prises en considération par les marchés. Le coût social de l'activité ferroviaire est supérieur à son coût privé, et les compagnies sont donc incitées à poursuivre leur activité plus loin que ce ne serait le cas si elles avaient à indemniser les agriculteurs pour leurs pertes.
Une première réponse consiste à faire intervenir l'État pour réduire, voire interdire, le trafic ferroviaire et limiter d'autant, voire supprimer, les dommages ainsi causés aux agriculteurs. Mais il se peut alors que les surplus engendrés dans l'économie par l'activité ferroviaire diminuent plus fortement que n'augmentent les gains réalisés par les agriculteurs ; la nouvelle situation constitue alors une régression par rapport à la précédente.
Mieux vaut, nous dit Coase, laisser les agriculteurs négocier avec les compagnies. Si le dommage qu'ils ressentent du fait de cette nuisance est supérieur aux gains que ressentent les entreprises du fait de leur activité, ils pourront leur « acheter » une réduction de cette dernière tout en réalisant un bénéfice par-devers eux – leur moindre perte –, ce qui signifie une amélioration du bien-être collectif, somme des bien-être de tous les agents. Si le dommage est inférieur aux gains des compagnies, ils n'auront plus la possibilité d'acheter à celles-ci une réduction de leur activité, et ce faisant, là encore, le bien-être social s'en trouvera augmenté.
Quelle que soit la situation de départ, l' optimum est réalisé par le marché. Plutôt que de faire intervenir l'État, qui peut se tromper au moins dans un cas sur deux, mieux vaut laisser fonctionner le marché qui, lui, ne peut pas se tromper. Le libellé du théorème de Coase est un peu plus complexe : « L'allocation initiale des droits de propriété importe peu du point de vue de[...]
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Écrit par
- Xavier GREFFE : recteur de l'Académie de Poitiers, chancelier des Universités, économiste
Classification
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