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COÛT SOCIAL

La renaissance du coût social

L'existence d'un coût social ne dérègle donc en rien le fonctionnement du marché, quand certains pensaient y voir une source de remise en cause. Moyennant un jeu d'« hypothèses somme toute admissibles », on peut réconcilier les deux notions sans avoir à évoquer de manière pressante l'intervention de l'État. Cette vision optimiste des choses est pourtant remise en cause à son tour, pour des raisons logiques autant que de pertinence.

Le concept d'irréversibilité

Une première remise en cause est liée à la notion d'irréversibilité. Supposons que le coût social recouvre des phénomènes sur l'existence desquels on ne pourra plus revenir : les dégradations subies ne seront pas compensables en termes monétaires et ne pourront donc être réintégrées dans le calcul économique des agents moyennant l'ouverture de quasi-marchés et le paiement de dommages et intérêts. D'où le développement lié des concepts de coût d'option et de valeur d'option déjà cités : face au risque de voir des dégradations se propager de manière irréversible, sous l'effet du comportement d'agents qui n'en supportent pas le coût social, certains intervenants acceptent de financer des dépenses qui préviendront cet état de fait – c'est le coût d'option –, ou bien qui maintiendront les possibilités actuelles de satisfaction au profit des consommateurs futurs – c'est la valeur d'option.

On pourrait, bien entendu, dire que l'existence de ces irréversibilités n'est jamais qu'une forme de coût social, et que des marchés peuvent s'ouvrir qui en régleront le sort de manière adéquate. C'est oublier, à l'inverse de ce qui se passait plus haut, aussi longtemps qu'un accord n'est pas trouvé, des dommages irréversibles sont créés, que le système de paiement ne ramènera jamais au point de départ.

Un exemple de telles irréversibilités peut être trouvé dans la dégradation de ressources non reproductibles. Si les décisions d'un agent privé se traduisent par un coût social en termes de destruction d'un stock fini de ressources ou de diminution de la capacité de renouvellement d'un tel stock, alors le dommage créé est irréversible. Quel que soit le système de paiement mis en place, on ne reviendra jamais au point de départ. À la limite, il peut y avoir accord entre l'agent qui entraîne le coût social et celui qui le subit, mais cet accord ne s'inscrit qu'en filigrane d'un coût social collectif de valeur infinie.

L'économie de l'environnement

Cela nous amène logiquement à ce qui est devenu le terrain par excellence du coût social : l'économie de l'environnement. Face aux nombreuses menaces qui pèsent sur le Terre, les économistes ont été conduits à mettre en évidence les dommages pour la collectivité qui accompagnent le déroulement des activités privées ; la série de questions qui s'ensuivent remettent elles aussi en cause la vision optimiste évoquée tout à l'heure : les marchés encouragent-ils la pollution ou peuvent-ils au contraire la résorber ? des ressources doivent-elles être consacrées à la lutte contre la pollution ? comment les pouvoirs publics pourront-ils protéger ou améliorer l'environnement ?

Le coût social se retrouve au cœur même de ces trois débats, la première étape étant justement de l'identifier à partir des maladies ou des décès, de la dégradation des immeubles ou des ressources naturelles, etc. L'identification de tels dommages détermine non seulement le coût social, mais le prix de l'environnement. Trois grandes techniques sont alors utilisées pour faire disparaître les effets externes négatifs et ramener ainsi le coût social au seul coût privé, ce qui fait alors du marché un système d'allocation optimal.[...]

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Écrit par

  • : recteur de l'Académie de Poitiers, chancelier des Universités, économiste

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