COÛTS DE TRANSACTION
Cadre théorique
Une bonne façon de comprendre les concepts de « transaction » et de « coûts de transaction », et d'en mesurer l'importance, consiste à partir de l'argument central développé par Adam Smith en ouverture de son célèbre ouvrage sur La Richesse des nations (1776) : la division du travail constitue le socle de la croissance et du développement. Mais cela pose immédiatement un problème clé : comment organiser efficacement et à grande échelle les transactions permettant de tirer pleinement parti de la spécialisation des tâches et des compétences qui accompagnent la division du travail ? Quels sont les dispositifs de nature à coordonner efficacement la diversité croissante des occupations et des produits et services qui en résultent ? En termes « coasiens », comment vont s'organiser les transactions ? Et surtout, ajoutent Coase et ses successeurs, quels coûts vont accompagner ces différents dispositifs, conduisant à d'incessants arbitrages entre eux ?
Le problème de la coordination
C'est cette dernière question qui va marquer la rupture profonde introduite par l'économie des coûts de transaction par rapport aux raisonnements traditionnels. Les économistes classiques puis néo-classiques ont cru trouver la réponse au problème smithien de la coordination dans l'idée du marché comme « main invisible » organisant la diversité des échanges. En posant la question des coûts de fonctionnement de cette « main » et en soulevant l'hypothèse qu'il peut exister des mécanismes alternatifs éventuellement moins coûteux donc plus efficaces, par exemple l'entreprise, l'économie des coûts de transaction va bouleverser cette représentation.
Mais, qu'est-ce qu'on entend exactement par transaction ? Suivant en cela Williamson (1985), o n peut définir toute transaction comme un transfert de droits d'usage sur des biens et des services entre unités technologiquement séparables. Notons plusieurs points importants dans cette définition. D'abord, l'idée de transferts de droits d'usage est centrale. L’activité économique ne concerne pas l’échange de biens et de services, comme le représente l’approche standard, mais le transfert de droits sur ces biens et services. La nuance est de taille : sans la possibilité de transférer des droits, les agents seraient renvoyés à une économie d'autosuffisance radicale. Même Robinson, dans son île, procède à de tels transferts avec Vendredi. En outre, ce sont des droits d'utilisation de biens et services qui sont transférés. Les droits de propriété constituent une forme de ces transferts, et sûrement une forme majeure dans une économie de marché (de là est né ce qu'on appelle l'économie des droits de propriété). Mais il existe d'autres formes, par exemple celles qui régissent les transferts de droits entre divisions d'une grande entreprise, ou entre services de l'État, ou encore l'accès à des propriétés collectives (le problème de la gestion collective de certaines fonctions centrales, par exemple l’irrigation ou le pâturage, en est une illustration que les travaux d’Elinor Ostrom, Prix Nobel d’économie 2009, ont bien éclairée). Le concept revêt donc une portée générale et s'applique quel que soit le mode d'organisation sociale. Enfin, le critère permettant d'identifier la possibilité d'une transaction est celui de la séparabilité technologique entre unités utilisatrices de ces biens ou services. Cela a des conséquences très importantes pour l'analyse de la frontière des entreprises et du problème de l'intégration ou, plus généralement, du mode d’organisation : dès qu'il y a séparabilité, il y a possibilité que les tâches soient accomplies par des entreprises séparées.
L'organisation des transferts de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claude MÉNARD : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Autres références
-
ASSURANCE - Économie de l'assurance
- Écrit par Pierre PICARD
- 5 633 mots
...C'est aussi le cas lorsque des tempêtes à grande échelle (comme en France en décembre 1999) sont à l'origine d'un nombre important de dommages aux biens. En troisième lieu, un assureur supporte bien d'autres coûts que les indemnités versées, qu'il s'agisse de la gestion des sinistres (frais d'expertise et... -
AUTOFINANCEMENT
- Écrit par Geneviève CAUSSE
- 5 257 mots
...marchés de capitaux ne sont pas parfaits, d'autre part, la rémunération des intermédiaires lors du recours à d'autres moyens de financement entraîne des coûts de transaction : on peut dès lors comprendre l’attrait pour l’autofinancement. . Il est le mode de financement le moins onéreux en termes de coûts... -
BOURSE - Microstructure des marchés financiers
- Écrit par Laurence LESCOURRET et Séverine VANDELANOITE
- 5 883 mots
- 1 média
La microstructure des marchés financiers est un domaine de la finance créé au début des années 1970 dans le but d'analyser l'influence des différents modes d'organisation de la négociation des valeurs mobilières sur la formation des prix des actifs et celle des coûts de transaction....
-
COASE RONALD HARRY (1910-2013)
- Écrit par Françoise PICHON-MAMÈRE
- 1 310 mots
...Coase explique alors qu'un tel système permettrait certes de réduire efficacement les coûts de production, mais qu'il en créerait de nouveaux, les « coûts de transaction », mesurés par exemple par le coût d'accès aux informations du marché ou par le coût des contrats particuliers établis avec les... - Afficher les 20 références