COÛTS DE TRANSACTION
Mécanismes d'arbitrage entre modes organisationnels
Confrontés à l’arbitrage constant à effectuer entre modes alternatifs d'organisation des transactions (la littérature récente parle aussi de « modes de gouvernance » ou même, à notre avis de façon abusive, de « contrats » comme équivalent à modes d’organisation), les agents orientent leurs choix en prenant en compte essentiellement trois caractéristiques des transactions. Évidemment, il n'est pas besoin de supposer que les agents ont une conscience claire de ces caractéristiques : par analogie, on peut rappeler que les individus apprennent à marcher ou à se protéger des chutes bien avant de connaître la loi de la gravitation, voire sans jamais la connaître ! Les trois caractéristiques fondamentales qui pèsent sur les transactions et leurs coûts, identifiées par Williamson, sont : la fréquence plus ou moins grande des transactions ; le degré de spécificité des investissements requis pour qu’une transaction puisse prendre forme ; le degré d'incertitude qui entoure la transaction.
Les caractéristiques des transactions
Reprenons ces caractéristiques en précisant leurs effets sur les coûts de transaction et sur le choix du « mode de gouvernance ». Une fréquence élevée, c'est-à-dire la répétition de transactions similaires, entraîne pour l'agent une familiarité avec les propriétés de cette transaction. Il en résulte un abaissement des coûts de transaction et donc un accroissement du volume des transactions. De là, d'ailleurs, l'importance d'institutions qui facilitent les transactions, par exemple un droit des contrats. Cela étant, si la fréquence produit des effets non ambigus sur le niveau des coûts de transaction, ses conséquences sur le choix du « mode de gouvernance » sont moins nettes. L'abaissement des coûts de transaction devrait en effet favoriser le recours au marché, mais la familiarité avec les caractéristiques de transactions récurrentes facilite le développement de routines dont l'entreprise intégrée peut tirer avantage. Dans l'état actuel des recherches empiriques, on ne peut trancher entre ces deux effets de sens contraire.
En ce qui concerne l'incertitude, qui peut être d'origine exogène, due aux états imprévisibles du monde, ou endogène, liée aux comportements stratégiques des partenaires de la transaction, la théorie prédit que l'augmentation du degré d'incertitude se traduit par un accroissement des coûts de transaction liés au recours au marché. Les agents tenteront alors de se prémunir contre cette incertitude soit par des contrats plus complexes, soit par l'intégration des transactions dans une entité qu'ils contrôlent.
Enfin et surtout, en raison de l'importance que ce facteur a prise dans les études empiriques, les transactions requièrent des actifs, en particulier des investissements, dont le degré de spécificité se révèle déterminant. Par degré de spécificité, on entend le degré de dépendance mutuelle que peut créer l'implantation ou le développement d'un actif requis pour une transaction. En d'autres termes, certaines transactions mobilisent des actifs qui peuvent facilement être redéployés sur d'autres usages : une voiture de location peut servir à un grand nombre d'usagers, et elle peut être mise en vente sur le marché des voitures d'occasion. Elle crée donc peu de dépendance entre le loueur et un client particulier. Dans d'autres cas, des investissements sont consentis qui créent une très forte dépendance bilatérale. La construction d'une centrale électrique à la sortie d'une mine de charbon dont elle utilise la matière première pour sa production crée une très forte dépendance bilatérale : la centrale peut difficilement fonctionner sans l'approvisionnement de cette mine, sauf s'il existe des mines concurrentes produisant du charbon de qualité analogue à[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claude MÉNARD : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Autres références
-
ASSURANCE - Économie de l'assurance
- Écrit par Pierre PICARD
- 5 633 mots
...C'est aussi le cas lorsque des tempêtes à grande échelle (comme en France en décembre 1999) sont à l'origine d'un nombre important de dommages aux biens. En troisième lieu, un assureur supporte bien d'autres coûts que les indemnités versées, qu'il s'agisse de la gestion des sinistres (frais d'expertise et... -
AUTOFINANCEMENT
- Écrit par Geneviève CAUSSE
- 5 257 mots
...marchés de capitaux ne sont pas parfaits, d'autre part, la rémunération des intermédiaires lors du recours à d'autres moyens de financement entraîne des coûts de transaction : on peut dès lors comprendre l’attrait pour l’autofinancement. . Il est le mode de financement le moins onéreux en termes de coûts... -
BOURSE - Microstructure des marchés financiers
- Écrit par Laurence LESCOURRET et Séverine VANDELANOITE
- 5 883 mots
- 1 média
La microstructure des marchés financiers est un domaine de la finance créé au début des années 1970 dans le but d'analyser l'influence des différents modes d'organisation de la négociation des valeurs mobilières sur la formation des prix des actifs et celle des coûts de transaction....
-
COASE RONALD HARRY (1910-2013)
- Écrit par Françoise PICHON-MAMÈRE
- 1 310 mots
...Coase explique alors qu'un tel système permettrait certes de réduire efficacement les coûts de production, mais qu'il en créerait de nouveaux, les « coûts de transaction », mesurés par exemple par le coût d'accès aux informations du marché ou par le coût des contrats particuliers établis avec les... - Afficher les 20 références