COÛTS DE TRANSACTION
Coûts de transaction et organisation sociale efficace
Jusqu'ici, nous avons concentré notre attention sur l'existence de modes alternatifs d'organisation des transactions et sur les conditions d'arbitrage entre ces modes, arbitrage fondé sur la comparaison de leurs coûts respectifs. Or une partie souvent non négligeable de ces coûts a son origine dans le cadre institutionnel, où les transactions sont encastrées et effectuées. Par exemple, des systèmes juridiques différents se traduisent par des droits des contrats distincts qui s'accompagnent de coûts variables.
Pour bien identifier ce niveau de l'économie des coûts de transaction, Douglass North a proposé une distinction entre les « arrangements » microéconomiques (marchés, entreprises, systèmes de contrats interentreprises), et « l'environnement institutionnel », c'est-à-dire l’ensemble de règles du jeu ayant certaines propriétés – la longue durée, la prédominance sur les choix individuels, l'universalité par rapport à une large classe d'agents ou de transactions – qui en font le cadre de ce qui est considéré socialement admissible dans l'organisation des transactions. Ainsi, la législation du travail et les dispositifs mis en place pour son application constituent les règles du jeu « cadrant » le marché du travail. De même, le régime des droits de propriété définit les caractéristiques acceptables d'un contrat commercial. Plus généralement, on peut identifier quatre composantes particulièrement importantes dans la définition de l'environnement institutionnel : le régime politique (en particulier son degré de centralisation et l'existence ou non de puissants mécanismes de contrôle), le cadre administratif (son degré d'expertise, son pouvoir plus ou moins discrétionnaire), le système juridique (et sa capacité à faire respecter les accords transactionnels), et enfin, le système des valeurs et des normes qui structurent les comportements des agents (par exemple, l'importance accordée au respect de l'engagement pris).
Le poids des institutions
Or de nombreux travaux (pour des synthèses, voir Ménard et Shirley, 2005, et Ménard et Ghertman, 2009) révèlent combien cet environnement institutionnel pèse ex ante sur le choix des modes d'organisation des transactions et ex post sur les conditions de mise en œuvre ou d'échec de ces transactions.
En effet, ex ante les caractéristiques institutionnelles déterminent le domaine des possibles et, de ce fait, cadrent les choix possibles des agents entre modes alternatifs d'organisation des transactions. Par exemple, un régime fiscal favorable aux coopératives, ou une législation restreignant les possibilités d'ouverture de centres de distribution de grande taille en milieu urbain vont modifier l'arbitrage que feraient spontanément les agents pour organiser leurs transactions. De même, un régime de droits de propriété mal défini va conduire les investisseurs, particulièrement les investisseurs étrangers, à choisir des modes organisationnels qui les prémunissent contre les risques d'expropriation, comme le montre l'expérience des pays en « transition » vers l'économie de marché. Ainsi, on a pu montrer concrètement comment les règles institutionnelles peuvent déterminer le choix que font les entreprises multinationales quant à la forme de leur implantation à l'étranger (Oxley, 1999).
Symétriquement, l'environnement institutionnel pèse fortement sur les conditions ex post de réalisation des transactions et sur les conditions éventuelles de renégociation des accords entre parties. Par exemple, la plupart des contrats sont incomplets et requièrent des adaptations dans le processus de mise en œuvre. Les circonstances institutionnelles dans lesquelles ces ajustements peuvent se faire et les conflits éventuels être réglés[...]
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Écrit par
- Claude MÉNARD : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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