Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CRAINTE ET TREMBLEMENT, Søren Kierkegaard Fiche de lecture

Kierkegaard - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Kierkegaard

C'est en 1841, la même année que Marx, que Søren Kierkegaard (1813-1855) soutient sa thèse de doctorat, sur Le Concept d'ironie chez Socrate. En 1843, quelques mois après L'Alternative, paraissent, le même jour, le 16 octobre, La Répétition et Crainte et tremblement, où la pensée paradoxale de l'auteur va prendre pour point de départ le problème théologiquement et philosophiquement épineux de l'interprétation de l'épisode biblique du sacrifice d'Isaac par son père Abraham. La morale, dont les exigences sont universelles, peut-elle souffrir des exceptions ? Contre cette prétention à l'universalité, que Kant défendait, Kierkegaard va soutenir la thèse d'une « suspension téléologique de l'éthique ». « Le héros tragique [Agamemnon] renonce à lui-même pour exprimer le général ; le chevalier de la foi [Abraham] renonce au général pour devenir l'individu. » Faisant l'expérience de l'absurde et de la solitude, Abraham témoigne pour une existence irréductible à tout concept. Kierkegaard jette ainsi les fondements d'une pensée de l'existence singulière appelée à de nombreux développements.

Le désir de rupture

Dans son Journal, Kierkegaard écrit ces lignes qui éclairent le sens de Crainte et tremblement : « Il y a en moi un côté poétique prépondérant et la mystification tient justement au fait que Crainte et tremblement, au fond, reproduisait ma propre vie. » C'est en octobre 1841, en effet, que Kierkebgaard rompt ses fiançailles avec Régine Olsen, et qu'il commence à jeter frénétiquement les fondements philosophiques de sa propre pensée. Rompre avec le monde, la société, les institutions comme seule mesure de ce qui nous fait homme et homme singulier, tel est le thème qui aiguillonnera toute la recherche passionnée du penseur. Le rapport à l'absolu ne souffre aucun compromis avec les exigences du monde ; souffrance et paradoxe, traversée de l'absurde seront donc le prix à payer afin que l'individu singulier puisse émerger. La polémique sourde avec la philosophie hégélienne est sous-jacente dans toutes ses recherches : pour Hegel, la religion, même révélée, n'est qu'une étape sur un long chemin qui doit téléologiquement mener à la réconciliation dans la philosophie et l'État de droit. Cette perspective est violemment refusée par le penseur danois ; le « stade éthique », s'il réalise la généralité, ne le fait qu'en sacrifiant l'individu. Sans doute, les héros tragiques (Brutus décapitant son fils, Agamemnon sacrifiant sa fille Iphigénie) méritent la compassion, mais ils demeurent dans le général, œuvrent en vue d'une communauté qu'ils ont le devoir de servir, même au prix des pires souffrances.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Kierkegaard - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Kierkegaard