CRÉATION Création et créativité
Philosophie de la création humaine
La notion de création, appliquée à l'homme, l'a toujours été dans la perspective d'un rapport de l'homme à Dieu, rapport positif lorsque, en créant une œuvre, l'homme avoue qu'il ne fait que manifester, à travers sa propre finitude, l'infinie puissance du Créateur, rapport négatif lorsque l'homme affirme sa créativité comme dévoilement de l'insuffisance, de l'imperfection de l'œuvre divine, c'est-à-dire finalement comme une preuve de l'inexistence de Dieu. Mais un tel homme, qui prend la place de Dieu, en prend aussi l'essence, et c'est pourquoi la négation radicale de toute perspective théologique explicite ou implicite est celle d'une telle essence d'un Soi qui, par sa seule réflexion en lui-même ou identité à lui-même qui le constitue comme tel, se pose en principe absolu de ce qu'il fait, comme libre origine de son agir, c'est-à-dire comme créateur, bref, elle est une critique de la notion de création.
La théologie de la créativité divine en l'homme
Si la pensée religieuse attribue essentiellement à Dieu la puissance créatrice, elle affirme une différence fondamentale entre les créatures : la créature humaine, image de Dieu, coopère à l'œuvre divine, et la Bible dit que Dieu plaça l'homme dans le jardin d'Éden pour qu'il le cultive. La philosophie religieuse, qu'on pense à saint Augustin, à Malebranche ou à Fichte, accentue et radicalise la thématique qui se rencontre dans des philosophies qui, païennes (Platon, Aristote, ...) ou bien chrétiennes (Descartes, ...), se construisent autour de l'idée théologique en affirmant que Dieu est la mesure de toutes choses, le premier moteur ou le libre créateur des vérités et valeurs éternelles. Lors même que ces philosophies concèdent à l'homme un être et une liberté propres, de telle sorte que l'on peut tout au plus parler d'un accord entre la volonté humaine et la volonté divine, ce pouvoir d'adhérer ou non au contenu du monde des vérités et des valeurs ou à la puissance qui les maintient ou qui les pose, cette volonté formellement infinie n'a aucun pouvoir de créer par elle-même une vérité ou valeur nouvelle ; la liberté humaine qui veut s'opposer à l'agir divin ne peut engendrer que l'erreur et le mal, que le négatif. La logique de ces philosophies théologiques amène, en fait, à voir dans la volonté et la liberté humaines l'être même de la volonté divine, seule cause efficace, en tant que par un don gracieux elle s'offre à la participation de la créature. L'« humanisme » chrétien met la grandeur de l'homme, sa sainteté, dans son humble renoncement à lui-même, et identifie la suprême manifestation de la créativité humaine à l'extrême passivité dont la liberté de l'homme s'est rendue capable en se laissant porter sans réticence par la grâce. Selon Fichte, « tout le nouveau, le grand et le beau qui est venu au monde depuis le commencement du monde et qui viendra en lui jusqu'à sa fin, est venu et viendra en lui par l'Idée divine qui s'exprime en se particularisant dans des individus élus » (Die Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalters), et cette élection apparaît dans l'acte de l'homme qui « par la liberté suprême renonce à sa liberté et indépendance propre » (Die Anweisung zum seligen Leben). L'originalité authentique consiste dans le plein consentement, constitutif du talent et du génie, à la créativité divine.
Mais, si la créativité humaine est la créativité divine en l'homme, cette créativité n'est pas pour l'âme religieuse la détermination essentielle de Dieu. La transparence de l'homme à la vie divine peut donc ne pas se manifester essentiellement par des créations, car la vie divine est la[...]
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Écrit par
- Bernard BOURGEOIS : professeur d'histoire de la philosophie à l'université Jean-Moulin de Lyon
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