CRÉATION La création dans les synthèses philosophico-religieuses
Les spéculations, philosophiques ou théologiques, sur les « origines » sont à la fois en rupture et en continuité avec les mythes cosmogoniques. Elles s'en écartent par deux traits majeurs : accentuation du rationnel ; réflexion sur l'idée de principe. Ce type de réflexion s'oppose aux traditions légendaires en ce qu'elle réduit le détail des descriptions cosmogoniques qui prolifèrent dans les récits mythiques. Cependant, parce qu'elles prolongent l'interrogation naïve qu'elles tentent de radicaliser en l'interprétant, les spéculations philosophiques et théologiques trahissent, selon les traditions religieuses de pensée et les aires de culture, les mêmes orientations fondamentales. On distinguera ainsi deux types de théories : les unes accentuent le rôle de la pensée ou de l'idée ; les autres insistent sur une causalité « substantielle », « foyer inépuisable de vie », en deçà de tout calcul d'architecte. Aux premières, on peut réserver l'appellation de théories de la Création ; aux secondes, celle de théories de la procession (ou de l'émanation). Terminologie approximative toutefois, car les langages se mêlent souvent, mais on la retiendra ici à titre d'indicatif utile pour fixer des dominantes. Dans la tradition théologique de l'Occident, d'inspiration judéo-chrétienne, on désigne sous le terme de « création » la production du monde en sa totalité (dans sa matière comme en la multiplicité de ses formes) en vertu d'un acte divin de choix, d'amour et de puissance qui implique à la fois sa dépendance totale et son commencement. Cette définition précise un axe de référence, non une norme générale de pensée. Mais si diverses que soient les théologies ou les philosophies de l'« origine », elles tournent toujours autour de quelques centres : principe et commencement, terme et modalité de l'« acte » créateur.
Fonction et nature du principe
Difficilement saisissable parce qu'elle marque le point névralgique où la raison s'accomplit et se dépasse, la notion de principe, lorsqu'on la définit, d'une manière vague, « comme ce dont quelque chose, de quelque manière que ce soit, procède », évoque, dans les différents ordres du connaître, de l'être et de la genèse, une excellence « divine » diversement valorisée par les idées connexes de priorité, d'indépendance et de source. Le jeu prépositionnel par lequel on signifie le principe : « ce en quoi, ce par quoi, ce pour quoi, etc. » en souligne l'énigme, c'est-à-dire l'impossibilité de le concevoir sur le modèle de ce qui dérive de lui, et la nécessité complémentaire de l'en rapprocher par une similitude plus ou moins qualifiée. S'il transcende par sa généralité tant la cause (extérieure à son effet) que l'élément (partie plus simple d'un composé), on n'oubliera pas que cette opposition de l'intérieur et de l'extérieur fut toujours ressentie comme inadéquate dans ce problème de l'« origine radicale », où les distinctions entre les différents types de principe, catalogués par la philosophie, tendent parfois à s'atténuer, pour indiquer, par leur coïncidence, la singularité du cas envisagé.
La fonction de principe
Dans la théologie chrétienne, le principe se présente sous deux aspects différents, selon les deux niveaux de « procession » : procession dite interne (ad intra) ou encore trinitaire, analogue théologique des antiques théogonies ; procession dite externe (ad extra), ou encore transitive, parce qu'elle marque le passage à une matière extérieure. La première se signale par deux caractéristiques : elle est « selon la nature », excluant en conséquence tout choix, toute contingence, toute « indifférence » ; elle n'implique entre les procédants[...]
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Écrit par
- Stanislas BRETON : docteur ès lettres, docteur en philosophie, docteur en théologie, professeur honoraire aux Instituts catholiques de Paris et Lyon
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