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CRÉATION La création dans les synthèses philosophico-religieuses

L'action créatrice

Le terme

Si l'on conçoit le néant non plus en référence à une pseudo-matière, mais comme le degré zéro en fonction duquel se constitue l'étagement progressif des niveaux d'être, on fera de l'univers en la hiérarchie de ses perfections, le terme immédiat de l'action créatrice. Si, au lieu des niveaux, on pense plus concrètement l'ensemble ordonné des êtres qui remplissent cet intervalle d'univers, on dira de préférence que le monde est le terme immédiat de la Création. Dans les deux cas, la Création porte sur le tout. En ce sens, l'action créatrice est pensée comme « totalisante », soit qu'on estime impossible la position dans l'existence d'un être unique et séparé, soit qu'on juge plus convenable que la toute-puissance se manifeste par une diversité qualitative d'expressions. La question est alors la suivante : si l'on pose au sommet de la hiérarchie les êtres spirituels – le monde intelligible –, les êtres procèdent-ils tous immédiatement, à égalité, du Dieu créateur ? ou bien faut-il hiérarchiser la Création elle-même, la responsabilité du monde sensible étant laissée au monde des esprits qui seul procéderait immédiatement de l'Absolu ? La théologie chrétienne, dans son orientation générale, s'est décidée en faveur du premier membre de l'alternative, excluant ainsi toute action créatrice médiate : la Création, en tant qu'elle fait quelque chose de rien, requiert une puissance infinie dont l'Absolu détient le privilège. Dans le néo-platonisme et, plus obscurément, en certaines formes de la pensée indienne, s'affirme résolument une conception opposée. Le monde sensible est destitué de toute « substantialité » authentique. Il s'ensuit qu'il peut procéder de l'intelligible, au titre de « phénomène », c'est-à-dire comme mode de sa manifestation d'être libre. Ces thèses ont des conséquences anthropologiques de grande portée. Elles impliquent deux conceptions de l'être libre : dans le premier cas il sera défini comme un pouvoir de libre arbitre ou de choix ; dans le second comme une causalité créatrice, de soi d'abord, du monde ensuite. Le contraste s'atténue, si l'on remarque que la Création au sens biblique n'a point pour centre la nature mais l'histoire, et l'homme comme porteur de cette histoire révélatrice de Dieu. La nature devient alors la médiation de cette histoire. Et si elle est moyen et simple moyen, ne pourrait-on en conclure qu'il revient à l'être libre, en tant que tel, d'en être l'origine comme il en est la fin ?

La modalité

Le monde ainsi compris, comme terme de l'action créatrice, présente deux aspects. Quand on l'envisage en tant que créature, la Création n'est rien de plus, pour ce monde, qu'une « certaine relation au Créateur comme principe de son être ». Au niveau des attitudes humaines, cela commande une « existence en relation » à l'origine et à la fin (les deux coïncidant en Dieu). Cette relation d'existence a une importance pratique considérable dans la vie de l'homme comme du croyant. On ne peut toutefois la séparer d'une considération qui fait apparaître le monde comme « gloire de Dieu ». Cette expression, Doxa Theou, se relie à l'interprétation religieuse de la lumière. Elle suggère, de la part du Créateur, une surabondance et une générosité qui le soustraient à la misère des motivations « quotidiennes ». Dieu est ainsi le Bien, diffusif de soi, ou l'Amour « immotivé », plus proche du jeu pur que du calcul. Ces images et ces formules ont pu cependant inquiéter le théologien chrétien, dans la mesure où elles semblaient impliquer que l'action créatrice pourrait se situer sous le signe de la nécessité, être jugée nécessaire. L'action créatrice[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, docteur en philosophie, docteur en théologie, professeur honoraire aux Instituts catholiques de Paris et Lyon

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