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CRIME ET CHÂTIMENT (exposition)

Crime et châtiment, c'est le titre, emprunté à Dostoïevski, d'une exposition du musée d'Orsay (16 mars - 27 juin 2010), dont l'idée initiale revient à Robert Badinter et la conception à Jean Clair. Rassemblant quelque 475 œuvres d'art, objets et documents, elle explore une période de deux siècles durant laquelle la légitimité de la peine de mort, finalement abolie en 1981, a nourri des débats politiques et éthiques passionnés. Le meurtrier, figure en négatif du héros, a fasciné écrivains et artistes, et le crime alimenté les chroniques de la presse à sensation. Voilée de noir, une guillotine, utilisée jusqu'en 1977, attendait au coin d'une salle le visiteur, averti que certaines des œuvres exposées pouvaient heurter sa sensibilité.

Le crime de Caïn tuant son frère Abel, mis en scène par Falguière, Gustave Moreau ou George Grosz, ouvrait le parcours, comme l'acte fondateur des meurtres en tous genres, posant d'emblée la question du châtiment. Dieu, dont le sixième commandement ordonne « Tu ne tueras point », ne condamne pas Caïn à mort mais le marque d'un signe, le remords, fruit de la culpabilité (Füssli), qui est aussi le châtiment infligé à Oreste poursuivi par les Erynnies (W. Bouguereau). La peine capitale, « le plus prémédité des crimes » selon Camus, est la réponse de l'homme au châtiment divin, ce que synthétise magistralement Prud'hon dans La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime (1808).

Si la Révolution débat, en 1791, sur la peine capitale, elle va l'instituer comme un acte égalitaire. En mars 1792, il est décidé que les exécutions se feront par décollation et que la guillotine, réputée plus sûre, sera l'outil du supplice. De Géricault à Moreau et Redon, ainsi qu'aux fragments anatomiques de Rodin, les têtes coupées vont dès lors hanter un imaginaire artistique qui garde aussi en mémoire la décapitation de saint Jean-Baptiste.

La Révolution réactive également le thème du sacrifice, avec l'assassinat du régicide Le Peletier de Saint-Fargeau par un ancien garde de Louis XVI, alors que le « premier martyr de la Liberté » rédigeait un livre sur l'abolition de la peine de mort, et celui de Marat, l'Ami du peuple, par Charlotte Corday, magistralement évoqués l'un et l'autre par David. On voit aussi dans le tableau de Paul Baudry (1860) comment la mort de Marat sera revisitée par une approche psychologique du crime. Munch, en 1907, explore dans Meurtre (La Mort de Marat) la dimension sexuelle du sujet, de même que Picasso, en 1931, dans La Femme au stylet.

Géricault, toutefois, ne parviendra pas à tirer un tableau de l'assassinat de l'ancien procureur Fualdès, à Rodez, en 1817 : la comparaison de ses dessins avec ceux des illustrateurs de presse montre les limites du grand art dans le registre de l'ignoble. Si le crime s'installe dans l'inspiration néoclassique et romantique, c'est plutôt sous les formes du sujet pittoresque (les brigands et leurs forfaits vus par Goya, Michallon, Schnetz ou Carolus-Duran), littéraire (Füssli interprétant des scènes de l'épopée des Niebelungen), ou fantasmatique (la sorcière des Caprices de Goya mais aussi de l'historien Michelet ; les femmes fatales comme Judith, Hérodiade, Salomé, Lady Macbeth). Prend ainsi corps une humanité marginale, étrangère à l'ordre établi, animée par des codes particuliers ou des passions irrationnelles, violentes et incontrôlables.

L'émergence, au xixe siècle, de journaux illustrés à grand tirage, dont le fameux Petit Journal lancé en 1866, va conférer une audience considérable au fait divers criminel. À travers ses récits et ses images à sensation, cette presse diffuse, comme l'écrit Balzac, « des romans autrement mieux faits que ceux de Walter Scott, qui se dénouent terriblement,[...]

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