CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ
Le 24 mars 1999, la Chambre des lords britannique confirmait partiellement la décision qu'elle avait rendue le 28 octobre 1998 de refuser à Augusto Pinochet, ancien dictateur du Chili, poursuivi par un juge espagnol pour torture et assassinats constituant des crimes contre l'humanité, le bénéfice de l'immunité en sa qualité d'ancien chef d'État. Le 27 mai 1999, le procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) inculpait Slobodan Milošević, chef d'État en exercice de la Yougoslavie, de crimes contre l'humanité constitués par des déportations forcées d'environ 740 000 civils albanais du Kosovo et du meurtre de centaines d'autres. Il a été accusé, en sa qualité de commandant suprême de l'armée yougoslave et président du Conseil suprême de défense, d'avoir planifié, provoqué, ordonné, mené ou appuyé une campagne de terreur et de violence dirigée contre ces populations civiles.
Ces deux cas, comme tous ceux qui sont poursuivis devant les juridictions pénales internes ou internationales, sont le résultat d'enquêtes pénales minutieuses. Il en va autrement de certaines accusations de crime contre l'humanité lancées par des militants et relayées par des médias de façon inconsidérée pour exprimer l'indignation qu'ils éprouvent face au caractère odieux de certains actes, ou bien encore par des combattants soucieux de discréditer l'ennemi. La notion de crime contre l'humanité répond à des critères établis en droit international. Il convient de les rappeler.
La première définition apparaît dans l'accord de Londres du 8 août 1945 portant statut du Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg. Elle a été interprétée par celui-ci comme un « accessoire » des crimes contre la paix ou des crimes de guerre. En effet, l'article 6 de ce texte affirme : « ...Les actes suivants, ou l'un quelconque d'entre eux, sont des crimes soumis à la juridiction du Tribunal et entraînent une responsabilité individuelle : a) Les crimes contre la paix [...]. b) Les crimes de guerre [...]. c) Les crimes contre l'humanité : c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre ; ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été interprétés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime. »
Des dispositions identiques figurent dans le statut du Tribunal de Tōkyō du 19 janvier 1946 ainsi que dans la loi numéro 10 du Conseil de contrôle pour l'Allemagne qui a servi de base à la répression des crimes contre l'humanité par les tribunaux allemands.
En dépit d'une jurisprudence interne et internationale étoffée, la notion de crimes contre l'humanité est fréquemment confondue avec celle de génocide ou avec celle de crimes de guerre. Il est vrai aussi qu'une source de confusion particulière réside dans le fait qu'une partie de la doctrine – et le droit positif interne de certains États, dont la France – fait entrer la notion de génocide dans la catégorie des crimes contre l'humanité, alors que le droit international conserve les deux notions distinctes. Le crime de génocide y est codifié par la convention du 9 décembre 1948 relative à sa prévention et à sa répression en vue, précisément, de le distinguer des « crimes contre l'humanité ». Cette définition du génocide a été reprise en 1993 dans les statuts du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et l'année suivante dans celui du Tribunal pénal international pour le [...]
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Écrit par
- Mario BETTATI : professeur de droit international à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas
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