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CRIMINOLOGIE

Crime au bois de Vincennes - crédits : AKG-images

Crime au bois de Vincennes

La criminologie est habituellement considérée comme la science des causes du crime. Mais cette science reste encore à ses débuts, bien qu'elle date du dernier quart du xixe siècle. Elle traverse même une crise si profonde qu'elle est atteinte à la fois dans la définition de ses ambitions, de son domaine et de ses méthodes.

Cette crise ne rend pas inutiles les travaux accomplis jusqu'à présent, relatifs à la criminalité et aux facteurs de la délinquance individuelle. Certains enchaînements sont connus. Les points acquis constituent déjà des moyens d'être moins aveugles dans le traitement des délinquants, qu'il faut bien considérer eux-mêmes comme moins différents de nous qu'une habitude rassurante ne nous portait à le penser.

Une discipline en crise d'identité

Le double sens que peut prendre le mot de cause en criminologie rend ambiguë toute ambition de déterminer les causes du crime. Certains criminologues, qui sont principalement des cliniciens, considèrent comme cause l'enchaînement des circonstances qui ont provoqué, dans le cas particulier du délinquant soumis à leur examen, la conduite délictueuse motivant la condamnation. La criminologie de ces cas individuels, étudiés sous leurs aspects médicaux, psychologiques et sociaux, grâce à la coopération polydisciplinaire de spécialistes, est dite « clinique ». Cette première approche offre un intérêt essentiel pour la recherche fondamentale. Elle permet la reconstitution de l'interaction particulière à chaque délinquant observé. Elle a aussi une grande utilité pratique : elle individualise, autant qu'il se peut en l'état de nos connaissances, les méthodes de traitement destinées à réduire au minimum les chances de récidive du malfaiteur considéré. La criminologie clinique n'a pas, en outre, l'ambition de parvenir à dégager les rapports généraux de causalité pouvant être exprimés sous forme de lois, lesquelles doivent, à leur tour, permettre la prévision des événements ultérieurs.

Cet objectif est celui d'une autre forme de criminologie appelée « générale », parce qu'elle repose sur une généralité d'observations et sur la comparaison statistique de populations ou, au moins, d'échantillons de populations (le terme de population étant ici pris dans son sens statistique). Au regard de la criminologie générale, seule mérite d'être appelée cause criminelle la particularité qui donne une des clefs du comportement différent des criminels et des honnêtes gens. N'a pas droit à cette qualification, en revanche, l'enchaînement d'événements ou de troubles observé aussi souvent ou plus souvent chez d'autres individus que chez les criminels.

Or une difficulté presque insurmontable réside dans la faible valeur représentative des criminels sur lesquels portent la plupart des travaux : les condamnés détenus en prison. Le risque est grand de prendre pour cause de délinquance des anomalies, des troubles ou des caractéristiques, qui ne sont, en réalité, que conséquence de la réaction sociale. Une maladie, une névrose qui devient manifeste en prison peut, en effet, avoir couvé longtemps avant le crime ou, à l'inverse, n'avoir commencé à naître qu'en prison, sans que ses symptômes soient différents dans les deux cas.

En outre, la criminologie générale est gênée par un phénomène spécifique que l'on ne retrouve pas ailleurs. À la différence des autres sciences humaines dépendantes, comme elle, de l'examen d'un échantillon limité de population globale, sa faiblesse particulière est de ne pouvoir observer qu'une partie de son champ d'étude, une partie probablement différente de la partie non éclairée, composée des délinquants qui « courent » encore. De là résulte que les conclusions générales relatives aux causes du crime faites à partir des criminels capturés menacent d'être[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de droit, de sciences économiques et sociales de Paris, directeur honoraire de l'Institut de criminologie de Paris

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