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CRIMINOLOGIE

La criminalité générale et ses facteurs

Le fait social d'ensemble qu'est la criminalité présente des caractères différents selon les pays, non seulement à cause des différences réelles relatives au volume et aux composantes de la délinquance, mais encore par suite de dissemblances juridiques dans la manière d'établir les incriminations et de les punir. On examinera ici les caractères généraux de la criminalité française et les facteurs de celle-ci.

Les caractères généraux de la criminalité

Les facteurs généraux de la délinquance peuvent être analysés sous deux aspects : l'action permanente de certaines causes, et l'effet aigu de certaines autres.

La criminalité légale

De 1832 aux années soixante, en France, le taux de la criminalité légale est resté relativement constant, en dépit de l'accroissement démographique et du développement des facteurs généraux de l'évolution des sociétés qui paraissent favoriser l'augmentation de la criminalité. C'est que la constance en question concerne la criminalité légale, mais non la criminalité apparente et moins encore la criminalité réelle.

Précisons ces termes. On appelle criminalité légale tantôt l'ensemble des jugements, tantôt celui des condamnations prononcées par les juridictions répressives d'un pays. La criminalité légale est distinguée de la criminalité apparente, parce que celle-ci est elle-même définie comme formée de la totalité des infractions portées à la connaissance des autorités de police par voie de plaintes, dénonciations ou procès-verbaux. Cette criminalité apparente, à son tour, est inférieure à la criminalité réelle, constituée de toutes les infractions effectivement commises au sein de la société considérée à un moment donné. Le chiffre séparant la criminalité apparente de la criminalité réelle est appelé « chiffre obscur ». Les spécialistes de la criminologie criminelle s'efforcent d'évaluer le volume de la criminalité réelle à partir de la criminalité légale. Dans leurs estimations de la criminalité réelle, les hypothèses sur l'ordre de grandeur du chiffre obscur et sur ses variations selon les époques et les infractions tiennent une place essentielle. Elles introduisent un facteur intuitif, qui demeure important, malgré l'élégance de certaines méthodes favorisant une étude moins subjective. La seule constance qui ait pu être établie est celle du taux de la criminalité légale. Cette constance, elle-même, n'est que relative. Dans les périodes de crises aiguës, la criminalité a franchi les limites à l'intérieur desquelles elle reste ordinairement contenue.

Mais, même sous cette réserve, la constance du taux posait un problème d'interprétation. Était-elle l'indice d'une constance de la criminalité réelle ? Enrico Ferri, l'un des « positivistes » italiens, le croyait. Il avait constaté cette constance jusqu'à la Première Guerre mondiale et il l'expliquait par une prétendue « loi de saturation criminelle » : « Comme dans un volume d'eau donné, à une température donnée, écrivait-il, se dissout une quantité déterminée d'une substance chimique, pas un atome de plus et pas un de moins, de même dans un milieu social donné, avec des conditions individuelles et physiques données, il se commet un nombre déterminé de délits, pas un de plus, pas un de moins. » Il avait formulé une loi complémentaire, dite « de sursaturation », valable en cas de changement social important. Lorsque ces conditions se modifient, en s'aggravant, un nombre plus élevé de crimes peut être commis. La saturation se produit plus tard, mais elle a lieu aussi. Les oscillations enregistrées par la courbe seraient, selon cette explication, le résultat de « surchauffes » provoquant une sursaturation.

Cette interprétation est[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de droit, de sciences économiques et sociales de Paris, directeur honoraire de l'Institut de criminologie de Paris

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Crime au bois de Vincennes - crédits : AKG-images

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