- 1. Les quatre phases de la crise
- 2. La faillite d'un dogme
- 3. La finance moderne prise en défaut
- 4. Une crise du capitalisme financier
- 5. Les racines sociales de la crise
- 6. Un mode de développement écologiquement non soutenable
- 7. Une crise géopolitique
- 8. Quelles voies de sortie de crise ?
- 9. Bibliographie
CRISE DES SUBPRIMES
La très grande majorité des économistes ont vu dans la crise qui a débuté en 2007 un dysfonctionnement majeur de la sphère financière, lié à un déficit de régulation, à la prolifération des produits dérivés et de la titrisation, à l'irresponsabilité des agences de notation, et au système pervers de rémunération des dirigeants et des traders. Cette crise s'est en effet déclenchée dans le système financier des États-Unis, sur le marché des subprimes, et s'est ensuite propagée dans le monde par des mécanismes financiers. Pourtant, une analyse approfondie montre que, beaucoup plus que d'une crise financière, il s'agit d'une crise globale et systémique, dont les ressorts se trouvent au cœur même du capitalisme et de la mondialisation. Il convient donc d'aller au-delà d'une lecture purement financière et conjoncturelle de cette crise.
Avant de procéder à une analyse approfondie de la crise des subprimes et d'en tirer les leçons, il est utile d'en retracer les différentes phases et les principaux mécanismes, ce qui permettra de comprendre comment nous sommes passés d'une crise immobilière née aux États-Unis à une crise financière internationale, puis à une crise économique à l'échelle mondiale.
Les quatre phases de la crise
La crise débute par un effondrement du marché de l'immobilier des États-Unis à partir de l'été de 2007. De 1996 à 2006, le prix de l'immobilier résidentiel a triplé. Cette bulle immobilière a explosé à partir de 2007 avec l'augmentation des taux de défaut de remboursement des prêts par les ménages. Ce retournement brutal a été provoqué par le changement de cap de la politique monétaire de la banque centrale des États-Unis, la Réserve fédérale (la Fed). Depuis 2001, en réaction à l'éclatement de la bulle Internet et aux attentats du 11 septembre, la Réserve fédérale menait une politique monétaire très accommodante se traduisant par une forte baisse des taux d'intérêt. De nombreux ménages en ont profité pour s' endetter à des conditions qui semblaient alors avantageuses. Mais ceux qui ont emprunté à taux variable subissent de plein fouet la remontée des taux d'intérêt décidée à partir de 2004 par la Fed pour freiner la bulle immobilière. Une spirale négative se produit alors, qui correspond à la première phase de la crise : la hausse des taux d'intérêt met les ménages en difficulté, ceux-ci ne pouvant plus faire face à la charge de leur dette. Les défaillances touchent plus particulièrement le marché des crédits subprimes, crédits immobiliers proposés à des ménages vulnérables, à faibles revenus et déjà endettés, qui ne présentent pas les garanties financières suffisantes pour accéder aux emprunts normaux, dits primes. Ce type de crédit s'est fortement développé aux États-Unis, passant de 35 milliards de dollars en 1994 à 600 milliards en 2006, ce qui représentait 10 p. 100 de la dette hypothécaire américaine et concernait 6 millions de ménages. En juin 2007, 17 p. 100 de ces ménages étaient défaillants, et un grand nombre d'entre eux ont été expulsés par les créanciers désireux de revendre leurs maisons pour se rembourser, ce qui a précipité l'effondrement du marché immobilier.
Deux séries de facteurs ont contribué à cette situation. En premier lieu, les règles qui protégeaient les emprunteurs surendettés ont été supprimées, dans le cadre des politiques de déréglementation menées par les pouvoirs publics. En second lieu, des techniques financières sophistiquées ont été utilisées par les banques américaines pour diminuer leurs risques. La principale est la titrisation, qui permet aux banques de transformer en titres les crédits risqués, pour les vendre ensuite sur les marchés financiers (ce sont les Mortgage Backed Securities, ou M.B.S.).[...]
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Écrit par
- Dominique PLIHON : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord
Classification
Média