- 1. Les quatre phases de la crise
- 2. La faillite d'un dogme
- 3. La finance moderne prise en défaut
- 4. Une crise du capitalisme financier
- 5. Les racines sociales de la crise
- 6. Un mode de développement écologiquement non soutenable
- 7. Une crise géopolitique
- 8. Quelles voies de sortie de crise ?
- 9. Bibliographie
CRISE DES SUBPRIMES
Les racines sociales de la crise
La stagnation des revenus bas et moyens aux États-Unis aurait dû entraîner un ralentissement de la demande des ménages. Mais, en favorisant leur endettement, le système financier américain a permis aux ménages d'accroître leurs dépenses. La dette a temporairement joué le rôle de substitut à la hausse du pouvoir d'achat des revenus. C'est ainsi que les ménages américains, dont la dépense est passée de 60 p. 100 à 70 p. 100 du P.I.B., ont joué le rôle de « consommateurs en dernier ressort » de l'économie mondiale. La progression soutenue de la consommation américaine a en effet tiré la croissance mondiale depuis le début des années 2000, ce dont ont largement profité les pays émergents, Chine en tête. Or cette évolution a entraîné une montée vertigineuse de la dette interne et externe des États-Unis. Ce régime de croissance mondial, fondé sur la consommation et la dette américaines, a pu fonctionner durablement dans la mesure où le dollar joue le rôle de devise clé dans les relations monétaires internationales. Ce qui a amené tous les pays créanciers des États-Unis à accepter les dollars émis par ces derniers, permettant ainsi un « financement sans pleurs » de leur balance des paiements, selon l'expression de Jacques Rueff.
Le déclenchement de la crise aux États-Unis vient de ce que le recours massif à l'endettement des ménages, destiné à pallier l'insuffisance du pouvoir d'achat de leurs revenus, a atteint ses limites à partir de 2007. Il en est résulté un effondrement de la demande des ménages, ce qui a entraîné un fort ralentissement de la croissance non seulement dans les pays avancés directement frappés par la crise, mais aussi dans les pays émergents, privés de leurs débouchés aux États-Unis, en Europe et au Japon.
Une leçon importante est que les racines profondes de cette crise se trouvent dans l'inégalité du partage des revenus dans les pays avancés. Il y a là une contradiction interne majeure du capitalisme financier. Pour extraire leur rente, les détenteurs du capital financier ont besoin d'un partage des revenus défavorable aux salariés. Mais la montée de la dette des ménages qui en résulte ne peut être durable, ce qui conduit fatalement à une crise de surendettement. Cette analyse, qui montre les racines sociales de la crise économique et financière contemporaine, rejoint celle développée par deux économistes américains dont les analyses font autorité, John Kenneth Galbraith et Paul Krugman. Le premier a montré que la crise de 1929 était également liée à de fortes inégalités de revenus et de patrimoines, d'une ampleur analogue à celle de la période actuelle. De son côté, Paul Krugman, Prix Nobel d'économie 2008, compare les crises de 1929 et de 2007, et montre comment la montée des inégalités sociales et de la dette est au cœur de ces deux crises majeures du capitalisme. Des travaux statistiques récents indiquent ainsi qu'aux États-Unis la part du revenu national allant au décile (10 p. 100) des ménages les plus riches approche le sommet de 50 p. 100 à la veille de la crise en 2007, c'est-à-dire le même niveau exceptionnel atteint au moment de la crise de 1929.
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Écrit par
- Dominique PLIHON : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord
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Média