CRISES D'ACCÈS À L'ALIMENTATION
Exemples de crises
En 2007 et 2008, une crise internationale d’accès à l’alimentation a pris la forme « d’émeutes de la faim » dans plusieurs pays d’Afrique (Égypte, Sénégal, Cameroun, Mozambique), d’Asie (Indonésie, Philippines, Thaïlande) et d’Amérique latine (Argentine, Salvador, Mexique), conduisant à des morts et blessés. En effet, à la suite d’une forte hausse des prix du blé, du riz, du maïs, des huiles végétales et d’autres denrées vivrières sur les marchés internationaux, les prix des principaux aliments dans les villes dépendant des importations ont beaucoup augmenté, au point que ces aliments sont devenus inaccessibles pour les populations pauvres.
À partir de mars 2020, les confinements dus à la pandémie de Covid-19 ont aussi entraîné une crise internationale d’accès à l’alimentation. Cela étant, il y a bien eu des pénuries d’aliments en certains lieux. Mais c’est surtout la baisse du pouvoir d’achat de tous ceux qui ont perdu tout ou partie de leur emploi et de leurs moyens d’existence qui a provoqué une crise d’accès à l’alimentation. La hausse des prix alimentaires y a contribué aussi, mais son ampleur a été très variable selon les lieux.
Par exemple, au sein de l’Union européenne (UE), les problèmes de disponibilités alimentaires ont été faibles lors des confinements. Cependant, la sécurité des approvisionnements alimentaires ne pouvant pas être considérée comme définitivement acquise, la Commission européenne a publié en 2021 un « Plan d’urgence visant à garantir l’approvisionnement et la sécurité alimentaires en période de crise ». Ce document prône une approche en termes de système alimentaire, qui prenne en compte la multiplicité des chaînes d’approvisionnement, leur enchevêtrement, ainsi que leurs différents éléments : intrants, production agricole, transport, préparation alimentaire, emballage, commerce, logistique. Il souligne que l’UE dépend largement de l’étranger pour ses fournitures en engrais minéraux, en pesticides et en soja. Quelques pays de l’UE ont des réserves stratégiques publiques, parmi lesquels l’Allemagne, la Finlande, la République tchèque et la Pologne.
La guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie en février 2022, s’est inscrite dans une situation alimentaire mondiale déjà aggravée par les conséquences de la Covid-19. L’Ukraine étant un exportateur de céréales (blé, maïs) et d’huiles végétales (tournesol), la guerre a entraîné une baisse des quantités vendues sur les marchés internationaux. De plus, les exportations russes des mêmes denrées, et aussi d’engrais minéraux, ont diminué, par choix politique des autorités et parce que les exportateurs russes, avant la guerre, utilisaient les ports ukrainiens (Marioupol, Odessa) partiellement détruits durant l’année 2022. Les pays ayant l’habitude d’importer des aliments depuis la Russie ou l’Ukraine, notamment l’Égypte, la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cameroun, l’Algérie, ont été concernés au premier chef. Mais, plus largement, cela a contribué à renforcer la hausse des prix de produits alimentaires sur les marchés internationaux, une hausse qui avait démarré dès la mi-2020. La spéculation a encore accru ce phénomène. Il en est résulté dans beaucoup de pays du monde de grosses difficultés d’accès à l’alimentation pour les populations pauvres, et des risques de révolte d’autant plus élevés que les populations sont mécontentes de leurs gouvernements.
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Écrit par
- Laurence ROUDART : professeure en sciences de la population et du développement, spécialisée dans les questions agricoles et alimentaires à l'Université libre de Bruxelles (Belgique)
Classification
Médias