CRISES D'ACCÈS À L'ALIMENTATION
Réduire les risques et les vulnérabilités
Près de 30 % de la population mondiale sont en situation de précarité alimentaire. De plus, des risques de nature à la fois sociale et écologique s’accroissent et se manifestent par des événements graves de plus en plus fréquents et intenses : chocs climatiques, maladies des plantes, des animaux et des humains, pollutions de la terre, de l’eau et de l’air, fluctuations des prix des produits agricoles et alimentaires, ainsi que des intrants utilisés pour les produire, conflits armés. Toutes les personnes en situation de précarité chronique n’ont que de faibles capacités à réagir à de tels événements : elles sont très vulnérables. Les probabilités de crises d’accès à l’alimentation sont donc élevées, qu’elles proviennent d’un manque de disponibilités ou d’une baisse des capacités d’accès à l’alimentation.
Il faut agir contre ces crises alimentaires, bien sûr, mais surtout, il faut en diminuer les risques et renforcer les capacités des individus et des ménages à réagir face à ce fléau. Un objectif important à poursuivre est de stabiliser, dans des fourchettes raisonnables, les prix des produits agricoles et alimentaires, sur les marchés internationaux et dans chaque grande région du monde. À cette fin, à court terme, il est nécessaire d’établir un système d’information sur les stocks de nourriture publics et privés, et de fortement limiter les possibilités de spéculation sur les denrées vivrières en les réduisant aux transactions utiles pour faciliter le fonctionnement des marchés. À court terme encore, dans l’Union européenne et aux États-Unis, il est possible de limiter, respectivement, les quantités d’huiles végétales et de céréales incorporées dans les agrocarburants, quand les prix de ces denrées dépassent certains plafonds.
À moyen terme, un accord international sur la coordination des stocks publics nationaux pourrait reposer sur des stocks minimaux par pays, en fonction de leur richesse, de manière à atteindre un seuil mondial en termes de mois de consommation. Ces stocks serviraient à approvisionner les marchés internationaux en cas de hausse anormale des prix, et leur écoulement sur ces marchés serait régulé pour ne pas induire de baisse excessive des prix. La construction d’un tel accord suppose toutefois de rompre avec les règles convenues à l’OMC, qui restreignent fortement la possibilité d’entretenir des stocks publics nationaux. À moyen terme encore, il faudra étendre ces négociations internationales à l’ensemble des politiques agricoles et alimentaires, y compris les politiques de commerce international, en poursuivant un objectif de sécurité alimentaire mondiale, ce qui n’est pas le cas des négociations à l’OMC (Politiques agricoles et négociations internationales). Différents scénarios de prospective montrent que le développement de l’agroécologie pourrait permettre d’atteindre un tel objectif (La malnutrition dans le monde). Il s’agit de promouvoir des agricultures diversifiées dans des écosystèmes les plus variés possibles, reposant surtout sur les énergies solaires, animale et humaine, pratiquées dans des exploitations agricoles familiales fournissant des emplois et des moyens d’existence à des milliards de personnes. Cela suppose de rompre radicalement avec les tendances issues des révolutions agricoles du xxe siècle (Histoire de l’agriculture).
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Écrit par
- Laurence ROUDART : professeure en sciences de la population et du développement, spécialisée dans les questions agricoles et alimentaires à l'Université libre de Bruxelles (Belgique)
Classification
Médias