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CRISES ÉCONOMIQUES AU TOURNANT DU XXIe SIÈCLE

La mondialisation du xxie siècle, source d’instabilité économique

La mondialisation est devenue une source potentielle d’instabilité et de crise pour deux séries de raisons. En premier lieu, la nature des échanges commerciaux s’est transformée. Jusque vers la fin du xxe siècle, la globalisation des échanges était fondée sur un commerce « horizontal » : les pays échangent des biens et services en fonction de leurs avantages comparatifs et de leur spécialisation agricole et industrielle. Depuis le début du xxie siècle, les échanges commerciaux se sont développés de plus en plus selon une logique « verticale », sur la base de chaînes de valeur globales mises en place par les entreprises transnationales, qui ont tissé de véritables réseaux internationaux au sein desquels chaque producteur dépend d’un très grand nombre d’autres producteurs. L’exemple typique est celui de l’iPhone, dont la production met en jeu, de manière codépendante, de nombreux opérateurs dans de nombreux secteurs autour de la planète. Dans un tel environnement, un choc initialement confiné sectoriellement et géographiquement peut avoir des effets dévastateurs à l’échelle mondiale. Par exemple, la pandémie de Covid-19 a débuté dans une province manufacturière chinoise. Il existe ainsi un risque de crise planétaire provenant de la propagation d’événements très spécifiques et très localisés.

La seconde raison expliquant l’instabilité potentielle de l’économie mondiale est de nature géopolitique et liée à la transformation des relations internationales. Jusqu’à la fin du xxe siècle, la mondialisation était dominée par les grandes puissances industrielles, à commencer par les États-Unis. Cette domination était assurée dans le cadre de l’ordre international mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fondé sur le rôle clé du dollar dans le système monétaire international, et des institutions financières internationales de Bretton Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale) sous contrôle des États-Unis et des pays européens. Fonctionnait alors ce que l’économiste états-unien Charles Kindleberger a dénommé le « principe de stabilité hégémonique », selon lequel l'existence d'une puissance dominante est la condition nécessaire et suffisante à l'existence d'une économie internationale ouverte et stable.

Or cette hégémonie des pays avancés est remise en cause par les pays émergents au début du xxie siècle. Ces derniers se sont rapprochés pour constituer un groupe géopolitique, les BRICS, initialement constitué de cinq pays (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui s’est élargi à cinq autres en 2023 (Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Égypte, Éthiopie, Iran). L’objectif déclaré de ces dix États dits du « Sud global » est de s’opposer à la domination des « pays occidentaux », notamment en essayant d’organiser un processus de « dédollarisation », et en mettant en place leurs propres institutions, telles que la Nouvelle Banque de développement, dont le siège est à Shanghai, et qui est présentée comme concurrente de la Banque mondiale. Ce bloc géopolitique contrôle une partie importante des ressources pétrolières, et des matières premières stratégiques, telles que les céréales et les métaux rares. En provoquant une hausse des prix de ces matières premières pour affaiblir les pays occidentaux, ces pays du Sud global sont en mesure de provoquer une crise économique mondiale, comme l’avait fait la coalition des pays de l’OPEP à l’origine du double choc pétrolier de 1974 et 1979.

La mise en place d’une gouvernance mondiale fondée sur la coopération entre les principales puissances des deux blocs géostratégiques serait, à n’en pas douter, le meilleur antidote contre le risque de crise internationale.

— Dominique PLIHON[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord

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Médias

Distribution de pommes de terre au Pérou dans les années 1980 - crédits : Greg Smith/ Corbis/ Getty Images

Distribution de pommes de terre au Pérou dans les années 1980

Crise économique en Argentine en 2001 - crédits : Paulo Fridman/ Corbis/ Getty Images

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