CRISES ÉCONOMIQUES
La crise de 1929
Jalon majeur de l'histoire du xxe siècle, point culminant d'une série de déséquilibres menant du traité de Versailles aux origines de la Seconde Guerre mondiale, la crise de 1929 a, plus que toute autre, focalisé les travaux des historiens et des économistes. Aux États-Unis, c'est la catastrophe qui met fin aux illusions nées de la « prospérité » des années 1920. En Europe, la « grande dépression » des années 1930 relègue largement dans l'oubli l'appellation de « grande dépression du capitalisme » donnée jadis aux années 1873-1896. Les premières interprétations, contemporaines des événements, ont été élaborées dès 1931-1932. La rupture de 1974, le krach de 1987 ont donné un regain d'actualité à la crise de 1929, suscitant de multiples « relectures ». Si la grande dépression demeure aujourd'hui une énigme, il faut invoquer moins le défaut d'analyses que le foisonnement des explications concurrentes.
Précisons d'abord l'enjeu du débat. La crise de 1929 n'est-elle qu'une crise de plus, peut-être la plus « exemplaire » dans la longue lignée des crises industrielles du xixe et du xxe siècle ? Dans ce cas, elle ne requiert pas plus que ses devancières une explication spécifique. Mais, s'il s'agit, au contraire, d'un événement de portée unique dans l'histoire du capitalisme, l'interprétation devra se concentrer sur les traits nouveaux qui lui confèrent une dimension hors série. Or bien plus que les manifestations de la crise ou la brutalité du retournement, ce sont l'intensité et la durée de la dépression mondiale qui apparaissent comme les faits marquants. La question essentielle sera donc non pas d'expliquer pourquoi une crise a eu lieu en 1929 (d'où est partie l'« étincelle »), mais comment la dépression a pu prendre une pareille ampleur (pourquoi le terrain était alors si vulnérable, et comment s'est propagé l'incendie). On s'attachera donc à analyser la séquence historique des ruptures, en distinguant, d'une part, l'origine de la crise proprement dite et, d'autre part, les mécanismes de propagation et d'approfondissement de la dépression. Or, si l'explication du retournement cyclique demeure controversée, les mécanismes de contraction qui ont transformé une crise ordinaire en catastrophe sans précédent se dégagent heureusement de façon bien plus claire : leur originalité tient au rôle crucial qu'ont joué les facteurs internationaux à tous les stades de l'aggravation du processus. La dislocation de l'économie mondiale au cours des années 1930 ne laissera d'autre choix aux politiques de reprise que de rechercher dans un cadre national – ou « impérial » – une issue à la crise.
Une chute sans précédent de l'activité mondiale
Dater avec précision le déclenchement de la crise soulève une difficulté inattendue. En octobre 1929, le krach de Wall Street met fin à dix-huit mois de hausse frénétique, ruine d'un coup des centaines de milliers de spéculateurs (plusieurs millions de titres sont vendus chaque jour de la « semaine noire » à partir du 24 octobre) et inaugure une chute des cours appelée à se poursuivre jusqu'en 1933. Mais cette mémorable panique boursière n'est pas le point de départ du fléchissement de l'activité économique. La production industrielle tend à se contracter dès 1927 en Australie et au Japon, 1928 en Allemagne, dès le printemps de 1929 au Canada et en Argentine. Pour la plupart des pays d'Europe, les « points tournants » s'étagent tout au long de 1929, parfois plus tard (l'été de 1930 en France). Aux États-Unis mêmes, la construction de logements plafonne depuis 1926, la production d'automobiles a déjà diminué d'un tiers entre mars et septembre 1929. La « prospérité » de la[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Charles ASSELAIN : correspondant de l'Institut, professeur émérite à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
- Anne DEMARTINI : économiste
- Pascal GAUCHON : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'histoire, enseignant en classe préparatoire
- Patrick VERLEY : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I
Classification
Médias
Autres références
-
CRISES ÉCONOMIQUES AU TOURNANT DU XXIe SIÈCLE
- Écrit par Dominique PLIHON
- 4 332 mots
- 2 médias
Depuis ses origines, l'histoire du capitalisme est ponctuée par des crises financières : envolée puis effondrement du cours des bulbes de tulipes en Hollande, en 1634-1637 ; en 1720, crises sur les cours des titres de la Compagnie des Indes en France, et de la South Sea Company en Angleterre… Le ...
-
ACIER - Économie
- Écrit par Franco MANNATO
- 10 178 mots
Depuis1973 et le premier choc pétrolier, la sidérurgie mondiale souffre d'un problème de surcapacités, problème qui n'a pas été résolu malgré plusieurs dizaines d'années d'efforts. Ces capacités excédentaires grèvent les producteurs et ont souvent limité les bénéfices de l'industrie sidérurgique.... -
ALGÉRIE
- Écrit par Charles-Robert AGERON , Encyclopædia Universalis , Sid-Ahmed SOUIAH , Benjamin STORA et Pierre VERMEREN
- 41 835 mots
- 25 médias
Les cours du pétrole s'effondrent brutalement en 1985. Les devises se font rares. L'Algérie adopte un plan d'austérité draconien : réduction des dépenses sociales, des importations et du budget de l'État. Les biens d'équipement et de première nécessité commencent à manquer. L'exode rural s'accélère,... -
ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine
- Écrit par Michel EUDE et Alfred GROSSER
- 26 883 mots
- 39 médias
Cette crise de 1816-1817 inaugure une « phase B » de récession, qui va se prolonger jusqu'au lendemain des révolutions de 1848-1849, accentuée par des crises cycliques en 1825-1826, 1836, 1846-1847. C'est dans ce contexte qu'il faut placer les débuts difficiles du Zollverein, la lenteur du démarrage... -
ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande
- Écrit par Georges CASTELLAN et Rita THALMANN
- 19 516 mots
- 6 médias
...capables de le résoudre ? Il fallait pour cela que fût gagné le pari de Khrouchtchev et d'Ulbricht. Or il fut perdu. En République démocratique, ce fut la crise de 1961-1962. Les ambitieuses perspectives du plan septennal ne purent être tenues. Dans l'industrie les investissements auraient dû s'élever à... - Afficher les 132 références