CRISES ÉCONOMIQUES
Décennie de 1990 : interruption du cycle des crises
Au-delà de la récession qui a affecté les économies occidentales au début de la décennie 1990, cette dernière restera avant tout marquée par la longévité du dernier cycle de croissance aux États-Unis, au point d'ailleurs que nombre d'économistes, partisans de la nouvelle économie, en sont venus à remettre en question la notion même de cycle. Et, si le ralentissement de l'économie américaine, tant de fois attendu et annoncé par les prévisionnistes, s'est effectivement produit au printemps 2000, son ampleur et sa durée sont demeurées limitées. Fallait-il pour autant en déduire que les crises étaient désormais dernière nous ? La crise asiatique, la profonde crise de confiance qui a affecté les marchés financiers dans le sillage du dégonflement de la bulle spéculative sur les valeurs technologiques (bulle Internet), ainsi que les crises de la dette souveraine dans des pays comme l'Argentine ont témoigné, avant même les turbulences économiques du début du xxie siècle, que les crises n'avaient pas pris fin.
Les facteurs de la croissance américaine
La phase d'expansion qu'a connue l'économie américaine au cours de la décennie de 1990 est apparue à bien des égards exceptionnelle, même si son ampleur doit être relativisée. Dans sa durée, elle reste en effet comparable aux phases d'expansions des années 1960 et 1980. Surtout, les taux de croissance moyens affichés pendant cette période sont demeurés bien inférieurs aux performances enregistrées durant les phases de croissance antérieures : au cours de la période 1995-2000, ils avoisinaient 4 p. 100 l'an, contre près de 7 p. 100 dans les années 1950.
En fait, ce qui distingue avant tout ce cycle des précédents réside dans l'absence de réelles tensions inflationnistes et salariales, alors que, dans le même temps, les rythmes de croissance effective ont régulièrement dépassé le niveau estimé de la croissance potentielle et que l'économie américaine se trouvait en situation de plein emploi. Or c'est justement la modération de l'inflation, durant la phase de forte croissance, qui explique la longévité de ce cycle.
Certes, ce phénomène résulte en partie de la conjugaison de facteurs conjoncturels favorables à la fin des années 1990, tels que le faible niveau des cours du pétrole, le ralentissement de la demande mondiale consécutif à la crise asiatique ou encore la fermeté du dollar. En outre, par son pragmatisme, la Réserve fédérale a favorisé une croissance non inflationniste. Entre la fin de l'année 1999 et juin 2000, elle n'a ainsi pas hésité à procéder à plusieurs relèvements successifs de ses taux d'intérêt directeurs, afin d'éviter la surchauffe économique et un dégonflement trop brutal de la bulle sur les valeurs mobilières. Par la suite, elle a, à l'inverse, adopté une politique monétaire très expansive tout au long du dégonflement de la bulle sur les valeurs technologiques, qui a perduré jusqu'en 2003, et ce alors même que la reprise économique était déjà engagée.
La remise en question des cycles traditionnels
Pour les partisans de la nouvelle économie, cependant, la faiblesse de l'inflation reflétait plutôt un changement de nature du cycle économique, lié aux profondes évolutions structurelles subies par les entreprises depuis le début des années 1970. La globalisation des économies s'est, en effet, traduite par l'accroissement des pressions concurrentielles, de sorte que les gains de productivité sont peu à peu devenus des facteurs déterminants dans leur stratégie de développement. Ce processus, conjugué à la révolution informatique et, plus généralement, à l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication (N.T.I.C.), a ainsi participé à la réorientation des moteurs de la croissance vers[...]
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Écrit par
- Jean-Charles ASSELAIN : correspondant de l'Institut, professeur émérite à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
- Anne DEMARTINI : économiste
- Pascal GAUCHON : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'histoire, enseignant en classe préparatoire
- Patrick VERLEY : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I
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