CRISES FINANCIÈRES Krachs boursiers
Les bulles spéculatives
D'une manière générale, une bulle spéculative se définit comme une augmentation durable et auto-entretenue de l'écart entre le prix et la valeur fondamentale d'un actif (action, obligation, monnaie, matière première, etc.). Pour un titre boursier, cette valeur fondamentale correspond à la somme des revenus que le titre peut apporter dans le futur, c'est-à-dire, la somme anticipée des flux de dividendes futurs actualisés à un taux d'intérêt incluant une prime de risque. Ainsi, les actifs les plus susceptibles de connaître un phénomène de bulle sont ceux dont la valeur fondamentale apparaît la plus incertaine.
La bulle est le résultat d'un processus selon lequel la hausse initiale des cours alimente des anticipations de hausses ultérieures qui attirent de nouveaux acheteurs, généralement des spéculateurs intéressés par des plus-values sur l'actif plutôt que par son utilité ou ses revenus potentiels (dividendes). John Kenneth Galbraith, en 1976, dans L'Argent, montre bien que le danger de la spéculation est d'acheter un bien non plus pour les revenus propres que ce dernier procure, mais pour participer et tirer profit d'un mouvement de hausse, lequel se terminera toujours par un effondrement brutal : « L'élément réel qui est visé par la spéculation cesse d'être l'intérêt que le bien en question rapportera dans l'avenir. Le mécanisme est d'une simplicité primitive, il ne dure que tant que l'on peut croire en une montée des prix. Si la hausse des prix rencontre un obstacle réel, les espérances de ceux qui entretiennent la hausse sont déçues ou du moins menacées. Tous ceux qui croient en une nouvelle hausse – tous sauf les crédules et les optimistes invétérés dont on rencontre invariablement un grand nombre – tentent alors de tirer leur épingle du jeu. Quel qu'ait pu être alors le rythme antérieur de la croissance, la chute qui en résulte est toujours brutale. »
Lors de la formation d'une bulle spéculative, l'euphorie s'empare des investisseurs, mais le prix de marché peut durablement s'écarter de la valeur fondamentale des titres de façon tout à fait rationnelle du point de vue de l’acheteur. Les cours s'apprécient au-delà de cette valeur fondamentale car les agents pensent que le cours sera encore plus haut le lendemain. Un investisseur peut être parfaitement conscient du caractère irréaliste de la valeur des actions et continuer à acheter malgré tout, car il n'a pas intérêt à jouer contre la masse des autres opérateurs. « Si le monde est fou, il faut bien suivre » : c'est de cette manière que le banquier Martin justifiait en 1720 l'achat de titres de la Compagnie des mers du Sud. Un siècle et demi plus tard, Émile Zola évoque l'engouement de toute une partie de la population pour les titres de l'Union générale vers 1880 : « On achetait, on achetait, même les plus sages, dans la conviction que ça monterait encore, que ça monterait sans fin », écrit-il en 1891 dans L'Argent. Cette rationalité individuelle conduit alors à une irrationalité collective. Isaac Newton, qui perdit beaucoup d'argent en 1720 lors du krach de la South Sea Company, constata, désabusé : « Je sais mesurer les mouvements des corps pesants mais pas la folie des foules. »
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Écrit par
- Christophe BOUCHER : professeur à l'université de Lorraine
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Médias
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