CRISES FINANCIÈRES Régulation financière internationale
La régulation financière internationale
Les « trous noirs » : les marchés de gré à gré et les paradis fiscaux
Un des obstacles majeurs à la régulation de la finance globale vient de ce que la plus grande partie des transactions financières internationales sont opaques et échappent ainsi à toute forme de contrôle. Deux rouages centraux de la finance globale sont à l’origine de ce « grand trou noir » de la régulation financière internationale : les marchés de gré à gré et les paradis fiscaux.
Les marchés de gré à gré concentrent 80 p. 100 des transactions financières (en particulier sur les produits dérivés) ; ces transactions sont effectuées entre des opérateurs qui définissent directement entre eux, dans le secret, les conditions de leur échange. À ces marchés totalement opaques s’opposent les marchés organisés, tels que les Bourses de valeurs mobilières dotées d’autorités qui fixent les règles des échanges et en contrôlent l’application. Les autorités publiques ont une part de responsabilité dans cette prolifération des marchés de gré à gré : la directive européenne M.I.F. (marchés d’instruments financiers) a voulu casser le monopole des Bourses au nom de la concurrence. Résultat : la prolifération des « dark pools », « bourses » de gré à gré d’un nouveau genre ; ce sont des lieux d’échanges dématérialisés, où les opérations se font « dans l’ombre ». Il est nécessaire de réduire au minimum le poids de ces marchés où se réalisent la plupart des opérations de nature spéculative. Une première avancée, insuffisante, décidée par les États-Unis et en cours de discussion au sein de l’Union européenne, consiste à contraindre les opérateurs à déclarer leurs transactions sur des registres publics.
La moitié des flux financiers internationaux transitent par les paradis fiscaux et réglementaires. Tous les groupes industriels et financiers multinationaux ont des filiales dans ces lieux opaques. La principale mesure qui permettrait de lutter contre ces zones de non-droit, qui pratiquent notamment le blanchiment de l’argent sale, serait d’y supprimer le secret bancaire dans le cadre d’un accord international. Faute d’un tel accord, rejeté par un grand nombre de pays, le G20 de Londres s’est contenté de proposer la création, sous l’égide de l’O.C.D.E., d’un système de listes – « noire », « grise » et « blanche » –, afin de classer les pays non coopératifs en termes de transparence financière. Le 2 avril 2009, au soir de la réunion du G20, la liste noire comprenait quatre pays et la liste grise trente-huit. Dans le classement du 20 novembre 2009, plus aucun pays ni île exotique ne portait le « noir », et seulement vingt-neuf pays restaient affublés de la couleur grise. Pour devenir « blanc », un paradis fiscal doit signer douze conventions d’échanges de renseignements fiscaux. C’est ainsi que Monaco est devenu « blanc » en signant ces douze conventions peu contraignantes, dont certaines l’ont été avec d’autres paradis fiscaux... Autant dire que le problème des paradis fiscaux est loin d’être réglé !
La question du prêteur en dernier ressort international
Le rôle du « prêteur en dernier ressort » (P.D.R.) est essentiel en cas de crise financière : en fournissant de la liquidité en urgence aux établissements bancaires et financiers en difficulté, le P.D.R. réduit le « risque systémique », c'est-à-dire le fait que la défaillance d'un ou de quelques acteurs financiers entraîne une crise globale du système financier par un effet de « dominos ». L'orthodoxie veut toutefois que ce rôle soit limité au minimum pour deux séries de raisons. La banque centrale, à qui revient la fonction de P.D.R., peut être confrontée à un conflit entre son objectif de stabilité du système financier nécessitant l'injection de liquidités, et son objectif de stabilité monétaire[...]
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Écrit par
- Dominique PLIHON : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord
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