CRISTAUX Synthèse des cristaux
Tenter d'imiter les plus belles pierres naturelles est un art ancien : Pline l'Ancien (23-79), dans son Histoire naturelle mentionnait déjà la fabrication des doublets (deux pierres ou verres accolés) pour ressembler aux gemmes les plus convoitées. L'alchimie occidentale est florissante aux xvie et xviie siècles : la pierre philosophale devait permettre la transmutation des métaux vulgaires en or. Dans cette ultime quête, essentiellement philosophique – la restauration de l'homme dans son originelle ressemblance en vue de sa déification –, l'esprit de la cristallogenèse sommeillait. Ce terme désigne la science et les techniques qui permettent la synthèse de minéraux, c'est-à-dire leur fabrication par l'homme.
Ce n'est qu'au xixe siècle que la véritable cristallogenèse connaît ses premières réussites. En 1847 et 1848, Jacques Joseph Ebelmen (1814-1852), professeur à l'École des mines puis administrateur de la Manufacture de Sèvres, synthétise plusieurs minéraux millimétriques, tels l'émeraude, le corindon, le spinelle et le péridot. En 1877, Edmond Frémy (1814-1894), professeur à l'École polytechnique et au Muséum d'histoire naturelle, obtient des cristaux centimétriques de rubis synthétique. L'essor de la cristallogenèse n'aura, dès lors, de cesse, avec un parcours semé d'échecs et de brillantes réussites dans la maîtrise des processus de croissance cristalline. Aujourd'hui, le nombre des techniques de la cristallogenèse est important et celles-ci ne cessent de s'améliorer.
Certes, les cristaux synthétiques sont utilisés en joaillerie, où ils doivent être identifiés comme tels pour éviter toute contrefaçon, mais ils trouvent leurs principales applications dans l'industrie. Ils sont généralement plus purs que leurs équivalents naturels et ne présentent pas les défauts cristallins qui nuisent aux propriétés physicochimiques pour lesquelles ils sont utilisés. L'électronique et l'informatique sont fondées sur les propriétés des cristaux ultra-purs utilisés dans les semiconducteurs. L'optique et la technologie laser les utilisent largement. L'horlogerie moderne emploie des rubis synthétiques pour ses rouages mécaniques et de minuscules résonateurs taillés dans des cristaux de quartz synthétique de haute qualité pour les montres. Le diamant – le plus dur des minéraux – est synthétisé pour les outils d'usinage, etc.
En recherche fondamentale, les sciences de la Terre utilisent des techniques comme la cellule à enclume de diamants, qui permettent d'atteindre des conditions de température et de pression extrêmes, et ainsi, de synthétiser des minéraux caractéristiques du manteau terrestre, afin de mieux comprendre la structure et la dynamique interne de notre globe.
Les techniques de la cristallogenèse
La plupart des éléments de la croûte et du manteau terrestres sont enclins à cristalliser lorsqu'ils se solidifient. La cristallogenèse consiste essentiellement à maîtriser les conditions physicochimiques (principalement de température et de pression) lors de cette solidification, pour atteindre celles de la stabilité du minéral envisagé.
Cette maîtrise fait intervenir plusieurs techniques qui reposent sur deux types d'approche. Le premier consiste à transformer un constituant naturel dans un état physique initial, appelé phase (solide, liquide ou gazeuse), et à le modifier au cours d'opérations physicochimiques jusqu'au solide désiré. Le second consiste à dissoudre le produit de départ dans un bain approprié et à modifier les conditions pour atteindre la sursaturation et ainsi provoquer la cristallisation du minéral recherché.
Avec la première approche, ce sont les phénomènes physiques qui prédominent pour s'approcher des conditions naturelles – nous l'appellerons la croissance ou[...]
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Écrit par
- Yves GAUTIER
: docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection
La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015
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