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CRITIQUE ARCHITECTURALE

La critique à la recherche de ses instruments

Parallèlement, un débat méthodologique s'est amorcé à partir de 1940, impliquant non seulement les historiens d'art, mais directement les architectes, les historiens et les critiques d'architecture : la nécessité de dépasser l'empirisme de la critique liée aux avant-gardes est l'un des fers de lance des discussions, qui empruntent plusieurs voies divergentes. La première est celle de l' « autonomie » de la critique, qui suppose de considérer l'architecture comme une « discipline » ; la seconde aspire à la construction d'une critique comme démarche scientifique, au croisement de plusieurs champs disciplinaires (psychologie, linguistique, sciences sociales).

Contre la critique empirique

De 1940 à 1958, les crises doctrinales du Mouvement moderne sont, par réaction, à l'origine de la recherche d'une assise théorique pour conforter cette architecture, recherche revendiquée notamment par l'historien britannique John Summerson (« The Case for a theory of modern architecture », in RIBA Journal, juin 1957). La critique porte en priorité sur la dimension esthétique de l'architecture lorsqu'il s'agit, pour répondre à ces crises perçues comme crises du « langage » moderne, de fixer des critères qui puissent mettre en évidence les valeurs symboliques, spatiales, formelles, intrinsèques à cette architecture. C'est notamment le fait de la critique américaine, qui emprunte aux théories de la psychologie de la forme (Gestalt) initialement forgées en Allemagne au tournant du siècle.

Les années 1950 et 1960 voient elles aussi se déployer de nombreuses tentatives d'élaboration de modèles « scientifiques » d'interprétation. Les lectures structuralistes de l'architecture débutent avec la recherche des instruments de la critique : la revue Zodiac présente en 1958 un espace de débat sur la linguistique appliquée à la critique architecturale. De telles pistes sont parallèlement explorées par les critiques d'art italiens Cesare Brandi (Struttura e Architettura, 1967) et Gillo Dorfles, puis par le courant sémiotique porté par Renato de Fusco et la revue Op. Cit. (lancée en 1964). La recherche sémiotique connaît aux États-Unis des développements d'autant plus influents (Charles Jencks, George Baird, Meaning in Architecture, 1969) qu'ils contribueront dans la décennie suivante à l'émergence du postmodernisme américain.

De la critique architecturale à la critique urbaine ?

Issue de la prise de conscience de la responsabilité politique et sociale de l'architecte, l'intégration des dimensions sociales et urbaines dessine une troisième voie, distincte tant de la critique centrée sur les valeurs esthétiques de l'architecture, que des études structuralistes et sémiotiques. Pour l'historien Giulio Carlo Argan (1909-1992), la critique doit s'appliquer au plan d'urbanisme : « Si l'urbanisme doit se soumettre, comme autrefois l'architecture, à l'évaluation critique, l'objet du jugement est le plan : non comme virtualité ou comme phase initiale ou comme préfiguration de l'œuvre, mais comme réalité esthétique, œuvre autonome » (Projet et destin, 1965).

En Italie, dans les années 1960, émerge également une forme dérivée de la critique opératoire, que Tafuri dénomme critique typologique. Elle intègre au projet urbain l'analyse historique des processus de constitution de la ville ; elle souligne les caractères invariants des formes urbaines qu'elle restitue sous la forme de typologies (Aldo Rossi, Carlo Aymonino). Pour Tafuri : « En tant qu'analyses critiques, elles bouleversent, examinent, recomposent en dimensions inédites des ensembles structuraux que la ville actuelle tend à présenter comme des valeurs immuables et indiscutables. En tant que critiques opératoires,[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences de l'information, université de Paris 2
  • : docteur en histoire de l'art, enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-Val-de-Seine

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