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CRITIQUE ARCHITECTURALE

La situation de la critique contemporaine en France

La critique architecturale, objet d'une pluridisciplinarité

En France, les années 1966-1973 témoignent d'une révision de l'héritage du Mouvement moderne ; mais elles sont aussi empreintes d'une lecture anglo-saxonne de la ville, qu'elle soit anthropologique (Kevin Lynch, The Image of the City, 1962) ou qu'elle émane de la critique littéraire (Robert Venturi, Complexity and Contradiction in Architecture, 1966). Enfin, elles révèlent surtout l'ouverture de l'architecture à d'autres disciplines en pleine constitution – anthropologie structurale (Claude Lévi-Strauss), sémiotique (Umberto Eco) ou sémiologie (Roland Barthes) – ou en phase de révision critique – psychanalyse lacanienne, philosophie structuralo-marxiste de Louis Althusser et épistémologie foucaldienne.

Pendant cette période, l'influence des thèses marxistes sur la question urbaine, sur les processus d'urbanisation, entraîne un intérêt de la critique sur les aspects sociaux de l'habitat. La question du logement social et le constat de l'inadaptation des réponses proposées par le modèle fonctionnaliste représentent un des fronts communs de contestation de la « génération intellectuelle » issue des événements de Mai-68. La critique architecturale s'engage alors sur les terrains de la sociologie urbaine et de l'histoire sociale, afin de donner une signification et un contenu sociaux à l'architecture. Elle s'appuie en partie sur une analyse marxiste de l'urbanisme, à partir des thèses d'Henri Lefebvre (Le Droit à la ville, 1968). En novembre 1970, ce dernier fonde avec Anatole Kopp, la revue Espaces et sociétés qui incarne cette tendance. Les analyses de Manuel Castells (La Question urbaine, 1972) prolongent et constituent la somme de cette conception marxiste de l'urbanisme, qui subordonne les processus d'urbanisation aux logiques économiques.

La recherche sociologique a trait essentiellement à l'usage social de l'habitat. Sous l'égide d'Henri Raymond, l'ouvrage L'Habitat pavillonnaire (publié en 1966 par l'Institut de sociologie urbaine) reflète cette mouvance. La notion de « modèle culturel » constitue alors l'un des points d'ancrage d'une réflexion plus spécifiquement architecturale sur la typologie et la morphologie urbaine. Par ailleurs, proche des thèses situationnistes, une contestation radicale de l'urbanisme contemporain s'exprime à partir de 1967 par le biais du Groupe Utopie (Jean Aubert, Jean Baudrillard, Jean-Paul Jungmann, Antoine Stinco et Hubert Tonka).

Se faisant l'écho de ces débats entre 1968 et 1973, la revue L'Architecture d'aujourd'hui (fondée en 1930) s'ouvre aux apports des sciences sociales et de la sémiologie de Roland Barthes. Hors des sentiers battus de l'architecture occidentale, elle traite de l'architecture vernaculaire ou contemporaine du Tiers Monde. Elle s'empare également de thèmes polémiques comme l'environnement ou l'écologie urbaine. Le critique François Chaslin commente ainsi la ligne éditoriale de cette revue, alors sous la direction de Marc Emery (« Les Deux Périodes Emery, d'un tournant l'autre », in L'Architecture d'aujourd'hui, décembre 1990) : « Que l'on traite de la ville, de l'architecture ou de l'environnement du travail, l'analyse critique et sociologique trouve largement sa place dans ses colonnes dans une atmosphère souvent teintée de cette idéologie subversive, qui était le ton de l'époque, tant en ce qui concerne la vision socio-politisante des choses que l'esthétique de temps en temps pop parfois même inspirée du situationnisme. »

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Écrit par

  • : docteur en sciences de l'information, université de Paris 2
  • : docteur en histoire de l'art, enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-Val-de-Seine

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