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CRITIQUE D'ART, Antiquité gréco-romaine

Art et savoir (« téchnē/epistémē ») : la revendication des artistes

Depuis le vie siècle et surtout au cours des ve et ive siècles, architectes, peintres et sculpteurs avaient laissé, en dehors de la transmission orale dans le secret des ateliers, des traités écrits sur leur art. Ainsi Vitruve donne-t-il dans la préface du livre VII (paragr. 7 à 11) une liste d'architectes, de peintres et de sculpteurs auteurs de traités. Il est significatif qu'il commence sa liste par le peintre scénographe Agatharchos, qui avait élaboré à Athènes, au milieu du ve siècle, un premier décor de théâtre prenant en compte les illusions de la perception. Le peintre avait laissé un commentaire qui permit aux philosophes Démocrite et Anaxagore de composer un premier traité de « perspective ». Cette notice jointe à d'autres, et notamment aux allusions quantitativement les plus nombreuses faites par Pline à des traités écrits par des peintres, ainsi Parrhasios (XXXV, 67), Euphranor (XXXV, 129), Apelle (XXXV, 79), confirme l'idée qu'à l'époque classique la peinture joua, comme plus tard à la Renaissance, le rôle d'art pilote par rapport aux autres arts. Comme le montre clairement un passage des Mémorables de Xénophon (iii, 10 sqq.), où Socratedialogue successivement avec le sculpteur Cleiton, le peintre Parrhasios et l'armurier Pistias, la peinture se voit attribuer comme finalité la reproduction du monde visible, alors que la sculpture, centrée sur la représentation des athlètes vainqueurs, s'efforce de capter le mouvement dans l'immobilité des formes. Ainsi la peinture apparaît-elle comme une saisie globale de la « nature », tandis que la sculpture se concentre sur la capture de l'être vivant. On sait que Polyclète avait laissé une statue-manifeste et un traité désigné par la postérité comme le canon. S'y trouvait développée la notion de symmetría, c'est-à-dire la commensurabilité des parties par rapport au tout, dont le premier champ d'application est le corps humain, créant une anthropométrie qui devait faire son chemin jusqu'à Vitruve et jusqu'à la Renaissance. Il s'agissait d'exprimer conformément sans doute à la réflexion pythagoricienne, par la rationalité des nombres, la logique du vivant. Faut-il s'étonner de voir qu'un autre « technicien », le médecin Galien, nous ait transmis la principale notice sur le canon de Polyclète ? Pour les Anciens, en effet, peinture et sculpture se rangent parmi les activités techniques, et rien ne les valorise par rapport aux autres pratiques artisanales. Elles sont des « arts » au sens classique du terme, c'est-à-dire un ensemble de règles et de recettes dont la mise en œuvre produit un résultat spécifique et déterminé au préalable. Le même mot de téchnē s'applique aux arts plastiques, à la danse, à la musique comme à la médecine ou au dressage des chevaux. Il est probable que, en écrivant des traités sur leur art, les architectes, les peintres ou les sculpteurs ont cherché à s'élever au-dessus de cette condition commune, en essayant de constituer en véritable science leur savoir technique. La démarche est manifeste chez Vitruve. Elle était déjà revendiquée par les peintres-savants du ive siècle : Euphranor d'Athènes, dont l'œuvre est au centre de l'opuscule de Plutarque, Sur la gloire des Athéniens, ou les artistes de l'école de Sicyone. Ainsi Pamphilos que Pline décrit comme une sorte de Léonard de Vinci antique (XXXV, 76 et 77) : « Il fut le premier des peintres qui eût étudié toutes les sciences et surtout l'arithmétique et la géométrie sans lesquelles il affirmait qu'on ne pouvait atteindre la perfection de l'art. Il ne donnait pas ses leçons à moins d'un talent [...]. C'est le prix que lui payèrent Apelle et Mélanthios. C'est grâce à son[...]

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