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CRITIQUE D'ART, Antiquité gréco-romaine

Imitation et imagination (« mímēsis/phantasía ») : la leçon des philosophes

C'est en effet dans l'interrogation philosophique sur le monde sensible et sur les conditions d'accès à la vérité que les références aux arts figurés, et surtout à la peinture, reviennent fréquemment à titre d'exemples métaphoriques facilitant l'accès au raisonnement plus abstrait. Chez Platon, adversaire de Démocrite qui avait, on l'a vu, théorisé la pratique du trompe-l'œil au théâtre, les références à la peinture illusionniste, désignée comme skiagraphía, débouchent sur une critique plus radicale d'un art d'imitation qui prend en compte la subjectivité de la perception et charme le spectateur en lui offrant une image trompeuse de la réalité. Dans un passage célèbre du Sophiste (235 dß-236 e), abondamment commenté à la Renaissance, Platon distingue à l'intérieur de l'« art de l'image » (eidōlopoiikè téchnē) l'« art de la copie » (eikastikè téchnē) et l'« art du simulacre » (phantastikè téchnē). Si le premier réalise l'imitation en se réglant sur les proportions du modèle en longueur, largeur et profondeur et en mettant les couleurs qui conviennent à chaque partie, le second prend en compte les infirmités de notre nature pour produire une image qui n'est belle qu'en apparence. Il est clair que la reconnaissance d'une subjectivité en art entraîne une valorisation de l'artiste qui ne se contente plus, comme le peintre ou le sculpteur égyptiens, de reproduire immuablement les modèles affichés dans les temples (Lois, 656 d-657 a). Si, de plus, l'artiste, comme le sophiste pour le langage, s'attache à reproduire les séductions du monde sensible, prétend les théoriser pour en faire un véritable objet de science et s'arroge une fonction d'éducateur dans la cité, il empiète sur le territoire du philosophe. C'est ainsi que des problèmes culturels débouchent sur des enjeux politiques. Platon est un fin connaisseur de l'art de son temps – son œuvre est un précieux témoignage sur la terminologie critique du ive siècle –, il est trop bon écrivain pour ne pas s'intéresser à l'art de la prose, mais ces deux activités doivent rester pour lui dans la catégorie traditionnelle des techniques et ne pas prétendre à un savoir global du seul ressort de la philosophie.

Avec Aristote, au contraire, la valeur poétique reconnue à l'épopée et à la tragédie s'étend aux autres arts mimétiques, comme la musique ou la peinture. Par la reconnaissance de la phantasía, l' imagination, comme stade intermédiaire entre la sensation et la pensée, et par la mise en évidence du rôle de l'image dans le processus cognitif, Aristote crée les bases théoriques d'un nouveau statut des arts plastiques, grâce à une « intellectualisation » du travail du « fabricant d'images ». À la différence de l'artisan dont la technique consiste à réaliser des objets destinés à un usage pratique, le peintre comme le poète travaillent sur ce lieu intermédiaire entre la pensée et la sensation qu'est l'espace de la mímēsis. La phantasía permet à la fois le travail mimétique de l'artiste et la communication avec le public qui, grâce à cette même faculté, perçoit les images et en éprouve du plaisir. Un plaisir, nous l'avons vu, qui pour Aristote est susceptible d'être éduqué. C'est ainsi qu'Aristote fonde en raison toute l'histoire postérieure des sciences et des techniques, enquête qu'il avait appelée lui-même de ses vœux et dont il avait fixé les règles dans les deux ouvrages qu'il consacre à l'art souverain, celui du langage, envisagé successivement du point de vue du faire, dans la Poétique, et du point de vue de la réception[...]

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  • ART NÉO-ATTIQUE (Rome)

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