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CRITIQUE D'ART, Antiquité gréco-romaine

L'ekphrasis ou l'œuvre absente

La rencontre d'Encolpe et du vieux poète Eumolpe dans la pinacothèque permet à Pétrone de résumer et de mettre en scène, non sans une certaine ironie, tous les apports de la critique d'art précédemment définis : analyse « xénocratéenne » des tableaux des vieux maîtres qui culmine avec Apelle (lxxxiii), histoire et mort de l'art classique (lxxxviii), variation sur le thème de l'ut pictura poesis, à propos d'un tableau figurant la prise de Troie (lxxxix-xc). Mais, dans le monologue d'Encolpe comme dans le dialogue « socratique » entre le poète chenu et le jeune étudiant, une dimension nouvelle vient s'ajouter : la description à la fois émotionnelle et rationnelle de l'effet produit par le tableau sur le spectateur. Encolpe, qui vient d'être trahi par son ami, ne voit dans les tableaux que des scènes d'enlèvement de nature homosexuelle qui ravivent encore sa douleur. Un tel procédé d'analyse psychologique apparaît, dès le iiie siècle avant J.-C., chez les poètes alexandrins. Théocrite, dans les Syracusaines, Hérondas, dans le IVe Mimiambe, ont ainsi esquissé des portraits féminins pleins d'humour. On relèvera surtout, chez Hérondas, le morceau de critique « populaire » à laquelle se livrent Kynnô et Philè devant les tableaux d'Apelle, dans l'Asclépieion de Cos. Les deux jeunes femmes sont surtout sensibles aux effets de réel de la peinture (chairs d'un enfant, éclat des matières précieuses, vérisme des animaux), autant de remarques qui rappellent une série d'anecdotes transmises dans les vies de peintres : raisins de Zeuxis que les oiseaux picorent, rideau de Parrhasios qui abuse Zeuxis, cheval hennissant devant son homologue créé par le pinceau d'Apelle... Par la suite, toute une tradition romanesque jusqu'à l'Antiquité tardive (voir Achille Tatius, Leucippe et Clitophon, i, 1 ; v, 3) utilise la description de tableaux pour peindre indirectement les passions des personnages, notamment dans le domaine amoureux, ce qui permet de parler d'une véritable érotique du tableau. Il s'agit même, avec Philostrate l'Aîné (Vie d'Apollonios de Tyane, ii, 22), de reconnaître au spectateur une véritable capacité créatrice, pendant de l'activité mimétique de l'artiste, qui permet la « réception » de l'œuvre d'art : « Celui qui regarde un tableau doit avoir aussi la faculté d'imiter ».

Ainsi se trouve définie une véritable critique impressionniste qui s'appuie sur l'exégèse savante des tableaux, se constitue en herméneutique destinée à la formation des jeunes gens. Les avis de Pétrone (Satiricon, lxxxviii) et de Philostrate (Préface des Tableaux) sont parfaitement concordants. Cependant, à l'époque impériale, la description d'apparat, l'ekphrasis, prend un tour nouveau. Si l'on y rencontre la description d'œuvres singulières ayant réellement existé (Famille de Centaures de Zeuxis, Noces d'Alexandre et Roxane par Aétion, Calomnie d'Apelle décrites par Lucien) ou l'éloge de villas et des merveilles qu'elles renferment (Silves de Stace), on voit aussi, notamment chez les rhéteurs de la seconde sophistique (les Philostrates, Callistrate) jusqu'à ceux de l'époque byzantine, se constituer des galeries entièrement fictives de tableaux ou de statues. En un même mouvement, la description évoque à l'esprit du lecteur les principaux types de représentations sculptées ou peintes, hérités du passé et classés par genre, et les principaux types de jugements esthétiques qui doivent être formulés à propos de chaque œuvre. Ces ekphraseis livrent ce qui se rapproche le plus de la critique d'art telle que Diderot ou Baudelaire l'ont progressivement définie, c'est-à-dire un commentaire sur l'œuvre[...]

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  • ART NÉO-ATTIQUE (Rome)

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