CRITIQUE DE CINÉMA
De Louis Delluc à Serge Daney en passant par André Bazin, la plupart de ceux qui ont marqué la critique cinématographique en France ont navigué entre deux pôles pour approfondir et diffuser leur pensée : le journalisme, du quotidien à l'hebdomadaire, et la réflexion plus fondamentale, confinant à la théorie du cinéma, dans les revues spécialisées ou les livres. Ce n'est que dans le courant des années 1970 qu'apparaît réellement une critique de type universitaire, elle aussi fortement orientée vers la réflexion théorique. Les champs de la critique cinématographique se distinguent donc plutôt en termes d'objectifs. Journaux et magazines de grand public se donnent pour fonction de juger, d'être le « guide du spectateur », souvent moins au nom de critères esthétiques que selon le goût supposé du lecteur. À l'autre extrémité du spectre, la critique de tendance universitaire ou savante privilégie une analyse « désintéressée » de l'œuvre.
Préhistoire de la critique
Dès 1895, des chroniqueurs anonymes rendent compte des premières projections du Cinématographe Lumière. Ils insistent sur son côté documentaire (la possibilité de conserver l'image des siens, « pris dans les actes de leur vie ») et sur son pouvoir d'illusion, si parfait que Le Radical voit ces bandes en couleurs ! À partir de 1897, une presse « corporative » s'adresse aux métiers du cinéma dans des textes promotionnels ou qui s'efforcent de défendre les intérêts de la profession. En 1903, la cible se déplace de la profession vers le public : sous l'égide des éditions de la Bonne Presse (de tendance catholique), Guillaume-Michel Coissac, dans Le Fascinateur, met vigoureusement en garde contre l'immoralité du cinématographe.
En 1908, pour lancer le « film d'art » et conquérir un public bourgeois plus fiable que le « peuple » des foires auxquelles le cinéma était primitivement voué, les frères Lafitte inventent dans un même mouvement la promotion, l'information préalable et la critique : annonces, reportages sur les coulisses des tournages préparent la sortie de leurs films. Dans le très austère journal Le Temps, à propos de L'Assassinat du duc de Guise de Charles Le Bargy et André Calmettes, précisément produit par les frères Lafitte, Adolphe Brisson met en évidence ce qui différencie le cinéma du théâtre ou de la pantomime, à savoir « la vie ». « Saisir, trier, fixer en les stylisant les formes vivantes et les aspects fugitifs, c'est la tâche qu'il s'assigne. Il prétend encore ne pas se borner à la reproduction des choses actuelles, mais animer le passé, reconstituer les grandes scènes de l'Histoire par le jeu de l'acteur, l'évocation de l'atmosphère et du milieu. »
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média
Autres références
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