CRITIQUE, revue
Moins disparate que Documents, moins offensive que Les Cahiers de Contre-Attaque, moins turbulente qu'Acéphale, et partant plus durable qu'aucune d'entre elles, Critique est la dernière des revues fondées par Georges Bataille. Elle a la particularité d'être une revue de bibliographie. L'éditorial du no 1, publié en juin 1946 aux Éditions du Chêne, annonce que « Critique publiera des études sur les ouvrages et les articles paraissant en France et à l'étranger », ajoutant qu'« à travers elles, Critique voudrait donner un aperçu, le moins incomplet qu'il se pourra, des diverses activités de l'esprit humain dans les domaines de la création littéraire, des recherches philosophiques, des connaissances historiques, scientifiques, politiques et économiques ». La revue est dirigée par Bataille, animée par Pierre Prévost, Éric Weil et Jean Piel ; elle s'appuie sur un petit nombre de collaborateurs réguliers, parmi lesquels Maurice Blanchot. À une époque dominée par le débat entre le marxisme et l'existentialisme, elle se distingue par l'attention qu'elle prête au roman américain, à la philosophie allemande contemporaine et aux développements les plus récents des sciences humaines en France (linguistique, anthropologie, psychanalyse surtout). Malgré un succès d'estime, elle éprouve des difficultés, change deux fois d'éditeur et interrompt sa parution pendant un an. En octobre 1950, elle est reprise par les Éditions de Minuit, dont elle accompagne les choix éditoriaux (nouveau roman, nouvelle critique).
En décembre 1962, la veuve de Bataille cède la propriété de Critique à Jean Piel, à charge pour lui de favoriser la poursuite de la publication dans l'esprit et la forme voulus par son fondateur. Piel s'entoure d'un conseil de rédaction, composé d'abord de Roland Barthes, Michel Deguy et Michel Foucault, élargi et modifié par la suite, et jette les bases d'un numéro d'« Hommage à Georges Bataille » (no 195-196, août-septembre 1963). Sous sa direction, Critique devient progressivement l'un des principaux organes du structuralisme. Roland Barthes, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault ou Michel Serres y publient leurs premiers articles. Des solidarités intellectuelles se constituent, dont témoignent ses sommaires. Certains numéros apparaissent comme de véritables événements. Influencée par la revue Tel Quel, Critique connaît une période de radicalisation et d'excès théorique à la fin des années 1960. En 1967, les Éditions de Minuit créent une collection d'ouvrages de philosophie, de sociologie, d'esthétique et de critique littéraire, alimentée par les collaborateurs de la revue. À partir de 1972, Critique s'engage à publier des numéros spéciaux à raison de deux ou trois par an, le plus célèbre restant « Vienne, début d'un siècle » (no 339-340, août-septembre 1975). Les années 1980 sont marquées par un retour de la polémique, avec « L'année politico-philosophique : le comble du vide » (no 392, janvier 1980), et par l'établissement de « Confrontations philosophiques » (no 464-465, janvier-février 1986) entre la France, l'Allemagne et le monde anglo-saxon. La revue entre ensuite dans une phase de bilan.
À la mort de Jean Piel, en janvier 1996, Philippe Roger prend la direction de Critique. Il est assisté par un conseil de rédaction presque entièrement renouvelé. C'est à lui qu'il revient de préparer le numéro des « Cinquante Ans » (no 591-592, août-septembre 1996).
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Écrit par
- Sylvie PATRON : normalienne, docteur ès lettres, professeur agrégé à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
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PIEL JEAN (1902-1996)
- Écrit par Sylvie PATRON
- 715 mots
Jean Piel est mort à Neuilly-sur-Seine le 1er janvier 1996, l'année des cinquante ans de la revue à laquelle il a consacré sa vie : Critique, « revue générale des publications françaises et étrangères », fondée en juin 1946 par Georges Bataille.
Né le 28 janvier 1902 à Saint-Martin-de-Fresnay...