CROATIE
Nom officiel | République de Croatie |
Chef de l'État | Zoran Milanović - depuis le 18 février 2020 |
Chef du gouvernement | Andrej Plenković - depuis le 19 octobre 2016 |
Capitale | Zagreb |
Langue officielle | Croate |
Population |
3 859 686 habitants
(2023) |
Superficie |
56 594 km²
|
Article modifié le
Histoire
La naissance de la Croatie
À l'origine, cette région est peuplée d'Illyriens et de Celtes pannoniens. En 35 avant J.-C., Rome l'englobe dans sa province de Pannonie. En 493, elle appartient à l'empire de Théodoric puis à celui de Justinien. Au vie siècle, les Avars font leur apparition. Un siècle plus tard, des tribus slaves croates venues d'Ukraine pénètrent dans le nord-ouest de l'Illyrie, entre Drave, Save et Adriatique. Ces tribus, organisées en grandes communautés agraires, sont vassales des Avars puis des Francs (806) et des Byzantins (877). Mais l'influence de Byzance n'est réelle que dans les villes côtières de Dubrovnik ( Raguse), Split (Spalato) et Zadar (Zara) jusqu'au milieu du xie siècle. Christianisés au ixe siècle par les Carolingiens, les Croates se tournent vers Rome et non vers Constantinople comme les autres Slaves du Sud, d'où cette spécificité croate liée à l'aire latine occidentale et catholique. Contrairement aux Serbes et aux Bulgares, les Croates n'ont été qu'effleurés par les influences byzantines et ottomanes.
En 880, ils fondent un duché qui devient un royaume indépendant en 925, sous le règne de Tomislav qui se proclame Rex Croatorum. La grande Croatie médiévale durera deux siècles (xe-xie s.). Tomislav Ier s'allie à Byzance contre les Bulgares et agrandit ainsi son royaume. Le roi Drtzislav (969-997) continue la lutte contre les Bulgares, mais Kressimir III (1000-1030) est toujours vassal de Byzance. Son successeur Kressimir IV se rapproche de Rome et de Venise, devenant roi de Croatie et de Dalmatie. En 1076, Dimitar Zvonimir est couronné à Split par un légat du pape. À sa mort, l'anarchie règne dans le royaume, et Ladislas Ier de Hongrie pénètre en Croatie en 1091. En 1102, Kalman de Hongrie est couronné roi de Croatie, et Venise s'empare de la Dalmatie. La domination hongroise durera presque sans interruption jusqu'en 1918. L'influence orthodoxe (alphabet cyrillique, architecture byzantine et liturgie) est combattue et remplacée par l'activité missionnaire des bénédictins, franciscains et dominicains. Au niveau politique, un ban croate résidant à Zagreb, vassal de Budapest, représente le pouvoir royal. À la suite de la défaite des Hongrois face aux Turcs à Mohacs en 1526, la Croatie est démembrée. Le Sud devient ottoman jusqu'en 1699 (traité de Karlowitz), Venise conserve le Nord et la Dalmatie. Dubrovnik est une république indépendante. Le reste devient terre des Habsbourg. Au xviiie siècle, l'emprise catholique se renforce et des adeptes de la religion réformée ne peuvent s'implanter. Sous l'influence des jésuites, la langue populaire croate et les traditions slaves se développent.
La Croatie contemporaine
C'est Napoléon qui va mettre fin provisoirement à cet équilibre. Après avoir défait Venise et l'Autriche, il crée les provinces illyriennes rattachées à l'Empire de 1809 à 1813. La Slovénie, la Dalmatie et une grande partie de la Croatie y sont englobées. Les Français abolissent la féodalité et introduisent le Code civil. Les ferments du nationalisme croate vont commencer à germer. La première personnalité appartenant à ce courant est Ludevic Gaj (1809-1872). Apôtre de l'illyrisme, il souhaite rassembler tous les Slaves du sud de l'empire habsbourgeois. Dès 1835, il publie la Gazette illyrienne et réforme l'orthographe croate pour la rapprocher du serbe. Mais c'est sans conteste la révolution de 1848 en Europe qui est le détonateur du mouvement croate. Sous domination hongroise, les Croates préfèrent se rapprocher de Vienne. Le ban Josip Jelachitch, la population croate et serbe de Voïvodine refusent de s'allier à la sécession hongroise. De 1849 à 1867, la Croatie est directement annexée à l'Autriche. Mais le compromis austro-hongrois créant la double monarchie laisse les Croates aux mains des Hongrois. Cela va les pousser vers l'union de tous les Slaves du Sud et vers le futur « yougoslavisme ». C'est l'évêque catholique Josip Strossmayer (1815-1905) qui transforme l'illyrisme en yougoslavisme. Il souhaite unir tous les Slaves du Sud, qu'ils se trouvent sous ou hors domination habsbourgeoise. En 1868, Zagreb obtient une certaine autonomie dans les domaines de la police, de la justice, de l'éducation et de l'agriculture. Au début du xxe siècle, les nationalistes croates veulent transformer la double monarchie austro-hongroise en un État tri-unitaire : Autrichiens, Hongrois et Slaves (Croates et Serbes). Ils créent la coalition croato-serbe qui va dominer le Parlement autonome de Zagreb de 1906 à 1908. Cette coalition est dirigée par les Croates Frano Supilo et Ante Trumbić et le Serbe Svetozar Pribichević. Mais, en 1908, les autorités hongroises arrêtent de nombreux dirigeants croates.
La Première Guerre mondiale va permettre au yougoslavisme de se développer. En mai 1915, Trumbić et Supilo forment le Comité yougoslave en exil à Rome puis à Londres. En juillet 1917, ils signent à Corfou une déclaration conjointe avec les Serbes pour créer un royaume des Slaves du Sud, sous l'œil bienveillant des Alliés. Le 29 octobre 1918, un Conseil national est mis sur pied à Zagreb avec le Croate Ante Pavelić (1889-1959), membre du Parti du droit, un Slovène et un Serbe. Ce conseil rompt avec les Austro-Hongrois et proclame, le 1er décembre, le royaume des Serbes-Croates et Slovènes, nouveau pays comprenant 3,7 millions de Croates. Mais, rapidement, fédéralistes croates et centralisateurs serbes entrent en conflit. Le Parti paysan croate des frères Radić (Ante Radić, 1868-1919, et Stepan Radić, 1871-1928) domine la vie politique croate. Il est partisan d'un royaume fédéral avec une Croatie autonome. Il se heurte donc à Belgrade, au roi Karageorgević et aux partisans d'une grande Serbie. En juin 1921, les députés croates boycottent le vote de la Constitution yougoslave qu'ils jugent trop centralisatrice. Ces députés ne siègent plus à l'Assemblée jusqu'en 1924. Stepan Radić, adepte d'une internationale verte agrarienne, devient tout de même ministre de l'Instruction publique en 1925-1926. Mais il est assassiné par un député monténégrin en pleine Assemblée en juin 1928. L'année suivante, le roi Alexandre dissout l'Assemblée. Les Croates autonomistes s'exilent en Suisse, alors que les indépendantistes suivent Ante Pavelić en Hongrie puis en Italie. C'est là, à l'ombre de Mussolini, qu'ils fondent l'Oustacha (Rebelle) en 1930. Alors que le docteur Matchek (1879-1964), successeur de Radić, est en prison, l'Oustacha multiplie les attentats terroristes en Yougoslavie et à l'étranger. En 1934, elle tue le roi Alexandre à Marseille. Finalement, en août 1939, le prince régent serbe Paul, pro-allemand, négocie avec le docteur Matchek. Une grande banovine de Croatie, unissant Croatie et Dalmatie (4,4 millions d'habitants), est créée, et le leader croate devient vice-président du Conseil. Mais il est trop tard pour sauver le royaume yougoslave. Avec l'invasion nazie d'avril 1941, l'Oustacha s'installe à Zagreb et proclame l'État indépendant de Croatie (100 000 km2 et 6,3 millions d'habitants). Les Oustachis massacrent tellement de Serbes, de juifs et de musulmans bosniaques que Berlin est obligé de modérer Pavelić. En effet, ces tueries amènent de nombreux Yougoslaves à rejoindre les rangs des partisans du maréchal Tito. Dans les montagnes de Croatie, des zones libres existent dès 1943. L'ensemble de la Croatie est libéré en mai 1945 et les Oustachis sont impitoyablement pourchassés. Mais, avec l'appui de l'Église catholique, Ante Pavelić réussit à s'enfuir en Italie, puis en Argentine. Il mourra dans son lit à Madrid en 1959.
En 1946, la Croatie devient une des six républiques socialistes fédératives de Yougoslavie. Le nationalisme croate se réveille en 1971. Des Oustachis exilés assassinent des diplomates yougoslaves. En novembre-décembre 1971, les étudiants de Zagreb déclenchent une grève générale. Tito augmente alors les salaires ouvriers, mais multiplie les arrestations de leaders nationalistes et purge le P.C. croate (Tripalo et Haremuja sont destitués). Avec le réveil du nationalisme serbe en 1988, les Croates craignent un renouveau du « grand serbisme ».
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Écrit par
- Emmanuelle CHAVENEAU : docteur en géographie
- Christophe CHICLET
: docteur en histoire du
xx e siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revueConfluences Méditerranée - Ivo FRANGES
: professeur de littérature croate moderne à la faculté des lettres de Zagreb, directeur de
Croatica , revue pour l'histoire de la littérature croate - Mladen KOZUL : master de science (sciences humaines et philologie) à l'université de Zagreb (Croatie), lecteur de serbo-croate à l'université Paris-IV-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
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Autres références
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CROATIE, chronologie contemporaine
- Écrit par Universalis
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AUTRICHE
- Écrit par Roger BAUER , Jean BÉRENGER , Annie DELOBEZ , Encyclopædia Universalis , Christophe GAUCHON , Félix KREISSLER et Paul PASTEUR
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...Babel. Le hongrois, à partir du xvie siècle, se substitue progressivement, à l'intérieur du royaume, au latin comme langue administrative, mais, en Croatie, différents dialectes serbo-croates se haussent également au rang de langue de culture. Les villes royales et les Saxons de Transylvanie parlent... -
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Voir aussi
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