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CROISADES

Les croisades non destinées à la Terre sainte

La définition de la croisade étant assez imprécise, on assimila peu à peu aux croisades véritables d'autres expéditions regardées elles aussi comme des « guerres justes », menées pour la défense de la Chrétienté ou de l'Église romaine. Urbain II avait dû dissuader les Espagnols de participer à la croisade en 1096, du fait qu'ils devaient se défendre contre les musulmans sur leur propre territoire ; dès 1120, Calixte II accordait à ceux qui combattraient pour défendre les chrétiens d'Espagne la même indulgence qu'à ceux qui iraient défendre les chrétiens de Jérusalem. En 1147, les privilèges de croisade furent étendus de même à ceux qui combattraient en Espagne et à ceux qui iraient défendre la frontière allemande contre les Slaves païens. Mais Innocent III précisa au début du xiiie siècle que ceux qui défendraient les jeunes chrétientés des pays baltes contre les retours offensifs des païens de cette contrée ne recevraient que les indulgences acquises par les pèlerins de Rome ou de Compostelle et non celles des pèlerins du Saint-Sépulcre. L'invasion des Mongols en Pologne et en Hongrie décida Innocent IV à organiser contre ces envahisseurs une croisade (1241), qui fut à nouveau proclamée par son successeur Alexandre IV.

Toutes ces expéditions partageaient avec les croisades d'Orient le même caractère : c'étaient des guerres menées contre des non-chrétiens, non pour les soumettre au christianisme (la croisade se distingue, en effet, fondamentalement de la «   guerre sainte » visant à la conversion forcée des infidèles, notion qui n'était pas étrangère à l'Occident carolingien, cependant que les canonistes refusaient de l'admettre), mais pour défendre la « patrie des chrétiens » et les chrétiens en danger. Mais d'autres furent dirigées contre des hérétiques ou des schismatiques. Telle la croisade contre les albigeois, qu'Innocent III se décida à proclamer à la suite de l'assassinat par les cathares du légat Pierre de Castelnau (1208) : destinée à protéger contre les hérétiques les catholiques du Languedoc, elle aboutit à la conquête de la France du Midi par les barons du Nord, les domaines des hérétiques et de leurs protecteurs étant considérés comme exposés « en proie ». Dès 1108, Bohémond, accusant les Byzantins d'avoir trahi les croisés et attaqué leurs terres, paraît avoir obtenu d'assimiler à la croisade l'expédition qu'il dirigea contre eux et qui échoua devant Durazzo. En 1237, le danger qui pesait sur l'Empire latin du fait des Grecs décida Grégoire IX à essayer de détourner contre ceux-ci la croisade destinée à la Terre sainte, ce qui n'eut d'ailleurs que peu de succès. De même après la reprise de Constantinople par les Grecs (1261) : le pape Urbain IV ordonna une croisade, mais on préféra bien vite négocier avec Michel Paléologue, qui offrait de réaliser l'union des Églises pour éviter le déclenchement de cette expédition. L'empereur Michel poursuivit cette politique et réussit à tenir de la sorte en échec les efforts de Charles d'Anjou, roi de Sicile, qui cherchait à obtenir la prédication d'une croisade antibyzantine : ce dernier n'y parvint qu'à l'avènement du pape Martin IV, et les Vêpres siciliennes (1282) firent échouer son projet.

Enfin, l'indulgence de croisade fut également employée pour la défense de l'Église de Rome et de son patrimoine, et spécialement dans les affaires du royaume de Sicile, vassal du Saint-Siège : Innocent III l'accorda à ceux qui luttaient contre Markward d'Anweiler (1199) ; Grégoire IX à ceux qui envahirent le royaume de Sicile sous la conduite de Jean de Brienne après la première excommunication de Frédéric II (1230) ; Innocent IV en usa largement dans[...]

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Écrit par

  • : doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Médias

Croisades, XI<sup>e</sup>-XII<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Croisades, XIe-XIIe siècle

Saladin - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Saladin

Croisades, XIII<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Croisades, XIIIe siècle

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