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CROYANCE

Croyance, probabilité, scepticisme

On peut dire que c'est la grandeur de la philosophie du belief, chez Hume, d'avoir aperçu cette unité profonde de la créance, par-delà l'opposition que les philosophies platoniciennes (et Descartes encore une fois est un platonicien à cet égard) avaient instituée entre l'opinion et la vérité.

Le belief humien, c'est d'abord la créance prise dans son sens indivis, comme lorsque, dans le langage ordinaire, l'on dit accorder créance à une opinion. Ce règne du belief n'est possible que parce que la critique des idées abstraites et générales a ruiné, dans l'empirisme anglais, le modèle de nécessité, d'universalité, d'immutabilité de la science. La notion de croyance n'est plus tenue captive de l'opposition entre opinion et science : ce n'est plus dans une épistémologie (au sens propre du mot : science épistemé), mais dans une anthropologie, dans un Traité de la nature humaine, que la théorie de la croyance s'inscrit un siècle après Descartes. Ce changement de lieu philosophique est lourd de sens. Si la croyance continue de jouer un rôle dans la constitution d'une science des idées de la géométrie, de la physique, par exemple dans l'origine de l'espace, du temps, de la causalité, c'est désormais dans la perspective d'une philosophie morale, c'est-à-dire d'une théorie de la conduite ; cette théorie de la conduite, chez Hume, veut être à l'anthropologie ce que, chez Newton, la connaissance des forces de la nature est à la cosmologie. Le Traité de la nature humaine, selon son sous-titre, est « une tentative pour introduire la méthode expérimentale de raisonner dans les questions morales ». Ainsi déplacée vers une anthropologie philosophique, la notion de croyance prend place dans un réseau conceptuel qui n'est aucunement réglé par le souci d'établir une échelle entre les degrés du savoir ; la croyance voisine avec l'impression, qui désigne l'événement constitutif de la vie de l'esprit, avec l'idée, qui dérive de l'impression, avec l' habitude ou coutume, qui joue le rôle d'un principe général d'ordre, en particulier dans l'instauration des idées abstraites et des règles générales. Le belief complète la custom, en ce que la croyance spontanée, qui nous fait tenir pour réelle, pour vraie, quelque impression forte, est autre chose que la conjonction de deux idées différentes. « La croyance, dit A. Leroy dans son David Hume (1953), comble la marge qui sépare une simple conception d'une affirmation sur le réel ; elle est une manière particulière d'accueillir une idée – ou de la recevoir – qui lui donne un timbre assez analogue à celui de l'impression par opposé à l'idée, ou à celui de l'idée de mémoire par opposition à l'idée de la fantaisie. » La croyance, c'est donc un ton de réalité, qui tient à la force, à la vivacité, à l'intensité, à la fermeté, à la vigueur, grâce à quoi nous ajoutons foi à nos impressions ou à nos idées ; elle exprime la spontanéité, tantôt simple, tantôt réfléchie, de l'esprit. Ainsi, dans une anthropologie concrète qui n'est plus mesurée par une épistémologie abstraite, l'empire indivis de la créance est reconstitué et couvre aussi bien les croyances incomplètes, qui sont l'œuvre de l'imagination et de l'accoutumance, comme les croyances poétiques et les formes populaires de la croyance religieuse, que les croyances plus réfléchies dans lesquelles l'esprit, recourant à des règles générales, se contrôle et se corrige. Mais c'est la spontanéité qui est première ; elle rapproche la croyance du feeling, de la résonance sympathique, qu'on trouve à la base de la vie sociale et morale, et l'éloigne[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-X, professeur à l'université de Chicago

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