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CROYANCE

Approche sémiotique

Avec A. J. Greimas, dans la Sémantique structurale (1965), Du sens I (1970), Maupassant (1976), et Du sens II (1983), une nouvelle tentative de mise en ordre des structures élémentaires de la croyance se fait jour, qui, à l'opposé de la phénoménologie, ne repose sur aucune intuition du vécu, mais sur la structure de l'énonciation, telle qu'elle est investie dans le discours oral ou écrit et échangée entre un énonciateur et un énonciataire. L'opposition à Kant n'est pas moins forte que l'opposition à Husserl. Alors que Kant ne considérait pas le langage mais les jugements en quelque sorte non parlés, la sémiotique s'installe dans le milieu du discours énoncé et communiqué. Il en résulte que l'épreuve de communication, qui, dans le Canon de la raison pure, n'était que la pierre de touche de la relation à l'objet, devient le lieu même de l'investigation, tout recours à un référent externe au langage étant interdit par postulat de méthode. Le remplacement du terme « vérité » par celui de « véridiction » sanctionne cette réduction de l'immanence des discours. Seul est pris en compte le croire-vrai de l'énonciateur. C'est, en un sens, le problème kantien du tenir-pour-vrai, mais débrayé de toute référence à une objectivité universellement validée. Du même coup, la transmission du croire-vrai devient le seul problème pertinent au point de vue sémiotique. Ainsi passent au premier plan les deux pôles du croire-vrai correspondant aux deux pôles de l'énonciateur et de l'énonciataire, le faire-croire et le recevoir-comme-vrai. Toute la problématique de la véridiction tient entre ces deux pôles qu'on peut désigner, équivalemment, comme « faire persuasif » du côté de l'énonciateur et « faire interprétatif » du côté de l'énonciataire. Le croire-vrai, quand il fait coïncider le second avec le premier, remplit ce qu'on peut appeler le contrat de véridiction.

De même que la phénoménologie avait tenté de réinterpréter la vieille terminologie de l'être et du paraître dans des termes d'une analyse noético-noématique de la croyance, la sémiotique tente à son tour une réinscription de cette problématique ancienne dans les termes du contrat de véridiction. En effet, persuader, c'est faire croire que ce qui paraît est ; interpréter, c'est inférer du paraître à l'être. Il suffit d'ajouter au paraître et à l'être leurs contraires et de projeter sur le carré sémiotique les valeurs polaires de l'être et du paraître pour obtenir les quatre modalités véridictoires de base : la vérité, par conjonction de l'être et du paraître ; la fausseté, par celle du non-paraître et du non-être ; le mensonge, par celle du paraître et du non-être ; le secret, par celle de l'être et du non-paraître.

Cette redistribution des modalités répond à la fois à Kant, qui sépare la théorie de la croyance de celle de la modalité du jugement, et à Husserl, qui construit intuitivement la série doxique. En revanche, la liste des modalités véridictoires est close comme le carré sémiotique. En outre, le prix à payer pour la réduction au discours-énoncé et son corollaire, l'illusion référentielle, est la porte de toute altérité par rapport au langage. Le langage est sans autre, étant au sujet de lui-même. On peut alors se demander si le seul autre qui subsiste n'est pas l'autre de l'énonciateur – autrui – et si le contrat de véridiction n'est pas l'ultime refuge de la croyance-foi : car comment un énonciataire interpréterait-il « correctement » le message de l'énonciateur, au point de mettre son faire interprétatif en conformité avec le faire persuasif du premier, si l'énonciateur n'était pas fiable – digne[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-X, professeur à l'université de Chicago

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