CROYANCE
Approche pragmatique
La philosophie analytique, de langue anglaise principalement, a ouvert un nouveau chantier pour l'étude systématique des attitudes subjectives, telles que la croyance, à la faveur de leur inscription dans le discours. Par discours, il faut entendre ici l'ensemble constitué par les énoncés, tels qu'ils s'expriment dans des propositions, et les énonciations, recueillies au niveau du langage dans des préfixes de la forme « je crois que », « je pense que », etc. Les énoncés relèvent de la sémantique logique, laquelle se concentre sur la valeur de vérité des énoncés. G. Frege en est le fondateur, avec sa distinction fameuse entre sens et référence (ou dénotation). Les énonciations relèvent de la pragmatique, dont une des tâches est de rendre compte des changements de sens et de référence des propositions en fonction de l'engagement des interlocuteurs dans la formation du sens des propositions. J. L. Austin est le premier à avoir tenté une étude systématique des actes de discours en fonction de la distinction entre énoncé et énonciation. Il reformule cette distinction en termes d'acte locutoire et acte illocutoire. L'acte locutoire peut être le même (« fermer la porte ») et l'acte illocutoire différent (« je constate que la porte est fermée », « j'ordonne de fermer la porte »). Ou bien l'acte locutoire est différent (pleuvoir, mourir) et l'acte illocutoire identique (« je souhaite que... il pleure, je meure »). L'acte illocutoire, comme le terme l'indique, c'est ce que l'on fait en parlant (« Quand dire, c'est faire », selon l'heureuse traduction du titre de Austin (How to do things with words). C'est ici que le problème de la croyance peut être repris à nouveaux frais, comme il ressort du système taxonomique développé par J. R. Searle, dans Speech Acts, 1969 (titre français : Les Actes de langage) et par son collaborateur D. Vanderveken, dans Les Actes du discours, 1988. En effet, ne sont pas seules à avoir une force illocutoire remarquable les énonciations que Austin avait appelées performatives pour les opposer aux énonciations constatives. Ces dernières aussi ont une force illocutoire qui est précisément ce que les philosophes avaient appelé croyance ou assentiment. La croyance est un engagement du locuteur dans la prétention à la vérité de ses énoncés. C'est donc une qualité de l'énonciation, exprimée dans les préfixes de la forme « je crois que » et digne de figurer dans la taxonomie des forces illocutoires sous la rubrique des verbes illocutoires de type assertif (Vanderveken, op. cit., pp. 167-175) ou parfois de type déclaratif (ibid., pp. 188199). On voit que la logique des formes d'énonciation et des forces illocutoires est beaucoup plus fine que la psychologie de l'assentiment ou de la croyance.
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Écrit par
- Paul RICŒUR : professeur émérite à l'université de Paris-X, professeur à l'université de Chicago
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