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CROYANCES (sociologie)

Croyance et ethnocentrisme

Seconde difficulté : les croyances semblent renvoyer à des univers de pensée non rationnels. C’est pourquoi ethnologues et sociologues ont longtemps privilégié les « tribus primitives » ou les mondes populaires pour recueillir et analyser leurs croyances. Qu’ils s’intéressent aux croyances tribales ou à la « mentalité primitive » (Lucien Lévy-Bruhl), ils validaient ainsi implicitement l’idée que les croyances ne sauraient être le fait des peuples occidentaux ou des classes sociales éclairées, guidés par la raison. Mais cet ethnocentrisme a fait l’objet de critiques virulentes jusqu’à la formulation de thèses radicales – parfois qualifiées de relativistes  –, considérant que tout est croyance, même les savoirs positifs les plus solides de la science, puisqu’ils sont régulièrement remis en question (Feyerabend). Pour Veyne, il « n’existe que des programmes hétérogènes de vérité » et nous ne tenons pour vrai que le dernier état de la science. La notion de croyance a donc permis d’instaurer une démarcation stricte entre des vérités rationnelles apanages du chercheur (et de son monde) et des représentations (ou des valeurs) non questionnées transmises par la tradition, les religions, les mythes. Pour Sigmund Freud, les dogmes sont des idées qui « ne sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité ». Dans une conception rationaliste, on voit qu’une croyance ne se soumet pas au tribunal de la raison, mais existe indépendamment de lui, voire contre lui : croyance et vérité rationnelle semblent irréconciliables. « Mais, tandis que toute science, même la plus traditionnelle, est encore conçue comme positive et expérimentale, la croyance à la magie est toujours a priori. La foi en la magie précède nécessairement l’expérience : on ne va pas trouver le magicien parce qu’on croit en lui ; on n’exécute une recette que parce qu’on a confiance », écrit ainsi Mauss. Pourtant, comme l’écrit Jeanne Favret-Saada, « étudier les croyances des autres, c’était s’interdire par avance d’y reconnaître aucune vérité ». C’est donc moins le contenu des représentations d’autrui qui serait des croyances que la démarche ethnologique ou sociologique qui les construit comme tels.

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Écrit par

  • : chargé de recherche en sociologie au C.N.R.S., Centre universitaire de recherches sur l'action publique et le politique, université de Picardie Jules Verne

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Wittgenstein - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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