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CULTURE Culture de masse

L'industrie culturelle

Avec la culture de masse, le système de production industriel envahit le domaine des œuvres de l'esprit. Les techniques de rationalisation visant à la rentabilité et au rendement maximaux s'implantent dans les grands journaux, la production des films, les émissions de radio et de télévision. La division du travail par spécialisation des tâches répartit ce qui relevait à la fin du xixe siècle de l'individualité souveraine de l'auteur.

Une structure ambiguë

La décomposition des tâches

Il ne s'agit pas tant du retour à la création collective anonyme, comme ce fut le cas pour les anciennes épopées, les fresques médiévales, mais d'une division technique des opérations visant à la constitution de l'œuvre. Au cinéma, Hollywood accomplit l'hyperdivision des tâches à l'époque de son apogée : l'idée originale est travaillée, en équipe ou individuellement, par scénariste, dialoguiste, voire gagman ; le découpage préétabli est confié au réalisateur ou metteur en scène ; celui-ci dispose d'assistants, dirige les acteurs, coordonne le travail du chef photographe et de son équipe d'opérateurs, de l'ingénieur du son, du décorateur, de l'habilleur, du maquilleur, etc. La pellicule est confiée au chef monteur et, au cours des opérations de montage, la musique ainsi que des sons déjà archivés sont incorporés ; le film terminé est souvent projeté devant des audiences tests. Dans le journalisme des grands magazines, le travail rédactionnel éclate aussi : des reportages fournissent une somme d'informations qui est mise en forme par un ou plusieurs rédacteurs, et l'article est revu par un rewriter qui lui assure un style clair, limpide, émouvant et vivant.

La standardisation

Une tendance à la standardisation joue inégalement, mais fortement, sur la nature du produit culturel : article, film, émission. Celui-ci doit répondre à certaines normes internes (quant à sa thématique, sa lisibilité, son style) et externes (il doit se mouler dans un cadre spatio-temporel préfixé : le film durera une heure trente, l'article devra comporter tant de signes, l'émission sera strictement minutée). Ainsi, les règles qui jouent dans l'industrie pour la production d'un objet de grande consommation, c'est-à-dire un objet de série, sont à l'œuvre dans l'industrie culturelle, qui est animée par la recherche du public, c'est-à-dire du bénéfice maximal. Mais la standardisation ne peut triompher absolument, car, à la différence d'un réfrigérateur, d'une voiture, d'un détergent, dont le prototype peut et doit être reproduit en série, l'œuvre culturelle doit demeurer unique d'une certaine façon, c'est-àdire se différencier d'une autre. Les sérials du cinéma et de la télévision peuvent utiliser les mêmes héros dans les films qui se succèdent, stéréotyper au maximum le récit (suspense, énigme, danger, victoire finale des bons et châtiment des méchants), mais chaque bande doit avoir un caractère original par rapport à l'autre, chaque Tarzan doit avoir son individualité. La standardisation totale ou absolue serait l'arrêt de mort de l'industrie culturelle. Celle-ci a donc vitalement besoin d'originalité, d'invention. Du même coup, chaque produit nouveau apporte son risque ; ou bien, ressemblant trop aux précédents, il peut saturer l'intérêt du public et provoquer l'échec financier ; ou bien, trop original, il risque de dérouter le public, entraînant le même échec. D'où une double contradiction, permanente et vitale, au sein de l'industrie culturelle, l'une qui joue au niveau économique, l'autre qui joue au niveau proprement culturel.

L'intégration

Défrichant un champ d'activité nouveau, le capitalisme initiateur de l'industrie[...]

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Médias

Marilyn Monroe - crédits : Keystone Features/ Hulton Archive/ Getty Images

Marilyn Monroe

La Dolce Vita, F. Fellini - crédits : Hulton Archive/ Moviepix/ Getty Images

La Dolce Vita, F. Fellini

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