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CULTURE Nature et culture

« Étant donné que la culture s'acquiert par apprentissage, les gens ne naissent pas Américains, Chinois ou Hottentots, paysans, soldats ou aristocrates, savants, musiciens ou artistes, saints, chenapans ou moyennement vertueux : ils apprennent à l'être. » Ce propos de T. Dobzhansky (1966) caractérise assez complètement la conception moderne de la culture : elle est acquise, mais d'abord par imprégnation et identification avant de l'être par apprentissage explicite ; elle est transmise généalogiquement et non héréditairement.

Où est alors la nature ? Ce qu'on appelle la nature humaine est « culturable à merci ». Elle est aussi source de toutes les cultures. Et la nature qui est le non-humain ? Les rapports réels et symboliques avec elle sont tributaires des diverses cultures.

Le sophisme naturaliste

Aussi bien « nature » que « culture » sont des termes qui désignent moins des réalités strictement déterminées que des termes horizon, si l'on peut dire, des termes « englobants ». Ils constitueraient, pour la nature, l'horizon de totalisation de toutes les choses, forces, données, de tous les êtres (avec la nature humaine, ou sans elle), et, pour la culture, l'horizon et comme l'enveloppe des dimensions spécifiques où se déploient, par leur manière d'être, d'agir, de ressentir, de s'exprimer et de communiquer, des êtres humains. Il est impossible ici et là de dresser un inventaire strict, de classer par exemple, d'un côté, le monde des choses, des minéraux, des plantes, des animaux et des étoiles, de l'autre, le monde des hommes, leurs maisons, leurs danses, leurs discours, leurs institutions. Ne serait-ce que parce qu'il y a du « naturel » dans l'humain : ce que l'on appelle le biologique, le pulsionnel, le primitif, l'infantile, le libidinal, l'individuel. Mais aussi parce qu'il y a peut-être tant du côté biologique que du côté intellectuel, du côté individuel et du côté social, un fond invariant qui s'appelle « nature humaine ». Enfin, autre source de difficulté, et non la moindre, le concept de nature est lui-même culturel. La présente étude devrait être en quelque sorte une étude métaculturelle de la relation nature/culture dans les diverses cultures vues à partir de notre propre culture...

La différenciation d'avec quelques couples de concepts voisins peut nous aider à mieux cerner, en première approximation, ce que recouvre la distinction nature/culture. L'opposition philosophique entre nature et histoire institue une séparation stricte entre une temporalité conçue comme purement répétitive, sans mémoire et sans projet, et la temporalité humaine, capable de leçons et de renouvellement. Dans les conceptions de type marxiste, l'histoire est certainement l'englobant de la culture.

Plus radicale est la distinction entre nature et liberté, qui revêt un caractère moral ou tout au moins existentiel ; c'est aussi une opposition exclusive, où le naturel est par définition dépourvu de liberté, et où la liberté transcende la nature. Cette opposition s'exprime parfois par d'autres termes encore plus circonscrits : nécessité et liberté. Elle n'a pu apparaître qu'à partir du xviie siècle et se développer dans un contexte de rationalisme critique. La liberté y est bien considérée comme étant la marque de l'humanité, mais cette liberté ne s'exprime pas spécialement dans des œuvres de culture – encore la culture devrait-elle alors se restreindre à l'art – et, inversement, le concept de culture, non seulement déborde celui de liberté, mais encore ne l'implique pas nécessairement. Un couple de concepts plus proche et tout aussi classique est constitué par la nature et la raison. Ce couple possède une propriété remarquable, celle de la réversibilité, qui le rend finalement[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

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Médias

Claude Lévi-Strauss, 1981 - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Claude Lévi-Strauss, 1981

Itard - crédits : ICAS94/ De Agostini/ Getty Images

Itard

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