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CULTURE Nature et culture

La culture dans la corporéité « naturelle » de l'homme

Nombre d'aspects de la vie humaine sont à la fois biologiques et culturalisés. Tout ce qui a trait par exemple à la procréation, à la naissance, à la puberté, à la maladie, à la mort. L'historien peut se demander s'il y a une comparaison possible entre les modalités culturelles des divers systèmes de régulation des naissances et les processus socio-biologiques de retard de la reproduction chez l'animal : « Y a-t-il une théorie générale des systèmes démographiques programmés pour l'équilibre, ceux de l'animal et ceux de l'homme, ceux de la Nature et ceux de la Culture ? », demande E. Le Roy Ladurie (in L'Unité de l'homme). La culture humaine exige un temps relativement long de transmission : le phénomène de la néoténie semble être physiologiquement adapté à une telle transmission. Dans la puberté entrent en jeu des feed-back complexes entre biologie et systèmes socio-culturels ; on en cite souvent pour exemple la baisse, au cours du xixe siècle en Europe, de l'âge de l'apparition de la puberté. La complexité neuro-corticale du cerveau humain est à mettre en parallèle avec la capacité linguistique elle-même. La fréquence et les modalités des rapports sexuels sont largement sous l'emprise de déterminations culturelles. Le vécu corporel, la gestualité, l'intériorité subjective même sont diversement décrits, et, de ce fait même, diversement prescrits selon les cultures.

L'anthropologue américain E. T.  Hall donne une définition implicite très éclairante de la culture lorsqu'il déclare étudier « ce type d'expérience profonde, générale, non verbalisée que tous les membres d'une même culture partagent et se communiquent à leur insu, et qui constitue la toile de fond par rapport à quoi tous les autres événements sont situés » (La Dimension cachée, 1966). La culture opère donc de manière tacite la structuration de notre expérience de la durée, des distances, des objets. «   Proxémie » est le néologisme créé pour désigner l'ensemble des observations et des théories concernant l'usage que fait l'homme de l'espace en tant que produit culturel spécifique ; cela concerne aussi bien la gestualité personnelle et l'appréciation des distances convenables entre les personnes que l'urbanisme. La perception même que l'homme a du monde environnant est induite par la langue qu'il parle ; des individus appartenant à des cultures différentes « habitent des mondes sensoriels différents ». Dans sa postface à La Dimension cachée, Françoise Choay voit l'originalité de E. T. Hall dans le fait que, « d'une part, il réintègre les conduites spatiales des hommes dans la catégorie globale du comportement animal et annexe les concepts de territoire, de distance critique, de stress » et que, d'autre part, il « montre le rôle de la culture dans la construction de l'espace ». On ne commence à soupçonner l'ampleur et l'omniprésence de la dimension culturelle que lorsqu'on sait que « chaque civilisation a sa manière de concevoir les déplacements du corps, l'agencement des maisons, les conditions de la conversation et les frontières de l'intimité ».

Trente ans auparavant, Marcel Mauss avait déjà révélé la contrainte méconnue des modèles culturels dans des pratiques corporelles qui paraissent relever de la seule physiologie ou de la simple idiosyncratie, telles que marcher, dormir, éternuer, se gratter. Le chirurgien R. Leriche avait signalé la diversité étonnante des seuils de sensibilité à la douleur selon les époques et les civilisations. On peut difficilement prétendre voir affleurer la nature à l'état brut dans un geste ou même dans un cri. L'analyse politique peut aussi trouver ici son bien : selon[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

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Médias

Claude Lévi-Strauss, 1981 - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Claude Lévi-Strauss, 1981

Itard - crédits : ICAS94/ De Agostini/ Getty Images

Itard

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